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Les Arabes et l'arme du boycott: Plusieurs marques étrangères dans le collimateur

par Moncef Wafi

Du nouveau sur le front du boycott avec une campagne lancée, lundi dernier, à partir du Royaume wahabite, appelant, à travers des SMS et des courriers électroniques, à boycotter les produits américains réputés être de fervents défenseurs de l'Etat sioniste. Des listes sont établies et circulent sur le net. Une nouvelle bataille entamée par les tenants de l'arme du boycott qui la brandissent à chaque crise entre le monde musulman et les autres.

Le choc des civilisations passe également par le ventre et même si, pour certains, le combat est perdu d'avance, beaucoup estiment que le boycott peut prétendre à un autre avenir si et seulement si toutes les bonnes volontés se réunissaient. Ainsi, l'ancien Premier ministre malaisien Mahathir Mohamad a soutenu activement la campagne de boycott dans son pays. Plus de 2 000 restaurants musulmans appartenant à l'Association des opérateurs musulmans de restaurants ont cessé de servir une marque de boissons gazeuses à leurs clients. L'Association des consommateurs islamiques malaisiens a également identifié 100 autres produits de marques qui sont maintenant ciblés par la campagne de boycott.

Après la Malaisie et la Jordanie qui ont montré la voie, lors de la guerre contre Ghaza, en appelant ouvertement à mettre en quarantaine les marques étrangères soutenant l'effort de guerre d'Israël, d'autres pays s'embarquent dans cette brèche. Cette option qui n'est pas nouvelle dans ses fondements, puisque érigée en arme avec le premier choc pétrolier suite à la guerre d'octobre 73, est reprise en boucle à chaque agression contre les Arabes ou attaque contre l'image de l'Islam. Ainsi et tour à tour, le mot d'ordre est donné à travers un discours religieux appuyé ou des appels des courants gauchistes dans le monde, pour boycotter des produits ciblés après les différents chapitres de l'Intifada palestinienne, l'agression contre le Liban en 2006 et l'épisode des caricatures portant atteintes au Prophète.

En Algérie, et malgré le cessez-le-feu décrété à Ghaza, la rue veut prolonger sa colère dans le temps et dépasser le stade de la réaction en se portant dorénavant sur le stade de l'offensive.. « On ne doit plus se contenter de réactions épidermiques mais s'inscrire dans un combat à long terme », affirme Abdelkader. Par combat, Abdelkader vise l'arme du boycott qu'il considère la seule qu'ils puissent brandir lui et les millions d'Arabes qui soutiennent les ghazaouis. Déjà suggérée lors de la dernière guerre entre Israël et le Hezbollah, elle s'impose d'elle-même en absence de toute autre solution, pour Nabila, enseignante dans le primaire. Portée un premier temps, à bras le corps par un discours religieux de circonstance, elle est de plus en plus adoptée par des citoyens sur une échelle individuelle ou en concertation.

Manel, 44 ans, fonctionnaire, estime quant à elle, que le vrai problème n'est pas là. «Je pense que les populations arabes et musulmanes doivent réagir et forcer leurs gouvernements respectifs à prendre une position. Quelle qu'elle soit mais une position», expliquera-t-elle. Quant à l'arme du boycott, elle dira préférer que le monde arabo-musulman boycotte les produits américains..». Il faut faire pression sur les Etats-Unis d'autant plus qu'avec Obama, il pourrait y avoir des cartes à jouer», ajoutera-t-elle.

Beaucoup sont comme eux, prêts à faire le sacrifice du ventre pour peu que leur combat ait une signification, mais d'autres sont plus circonspects. «Oui, je peux me passer des produits qui soutiennent Israël mais je ne sais pas vraiment», hésitera Dalila, la vingtaine, standardiste dans une boîte privée.

Cependant, l'appel au boycott n'est pas aussi simple qu'on a tendance à le croire puisque même des théologiens y ont mis un bémol. Interrogé à propos d'une campagne de boycott des produits américains, Cheikh Salih Al-Fawzan a clairement déclaré que rien ne peut se faire ou se décider sans une proclamation officielle du gouverneur qui est seul juge à délibérer dans cette question.

Il dira également que si le gouverneur juge qu'on doit s'abstenir et boycotter les produits d'un pays, alors le boycott devient une obligation. Quant à l'existence d'un édit religieux publié par des savants musulmans, il répondra par la négative. Les avis convergent de plus en plus vers une solution durable qui même si elle n'appuie pas sur la détente, a au moins le mérite de consommer responsable.