Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les Oranais ont répondu à l'«appel»

par Ziad Salah

Juste après la fin de la prière du vendredi, des groupes de fidèles, sortant de la mosquée de Zine El-Abbidine de Saint Pierre ont investi la rue d'Arzew, à Oran, dans une marche vers la place du Premier Novembre. Ils scandaient des slogans condamnant l'agression contre Ghaza. Un député du MSP était en première ligne d'un premier paquet de manifestants dont la majorité étaient des jeunes. Courant presque, ce premier groupe s'est largement détaché par rapport à un autre mieux encadré.

En passant par la rue d'Arzew, les manifestants ont «recruté» d'autres jeunes qui, apparemment, étaient en attente de l'événement. Les manifestants ont effectué quelques tours autour de la place en attente d'autres ralliements. Un peu surpris par l'enthousiasme des jeunes, des militants du MSP ont tenté de canaliser la foule autour d'eux. Vaine tentative puisque les gorges déployées des jeunes ont fini par étouffer carrément le mégaphone de ceux qui voulaient s'imposer en tant qu'encadreurs de cette marche. Deux groupes compacts se sont formés: ceux des jeunes refusant épidermiquement tout embrigadement et les politiques. Mieux, chaque groupe a étalé ses drapeaux et scandé ses slogans. Quand les militants du MSP parlaient du Cheikh Yacine, les autres traitaient Hosni Moubarak de traître à la solde des USA. Quand les premiers parlaient de Katayeb El-Kassam, les seconds réclamaient le départ vers Gaza en précisant «nous sommes sans travail, ni occupation, envoyez-nous à Ghaza). Ces deux groupes qui, sans se le déclarer se sont retrouvés dans une course pour le contrôle de la manifestation, se sont positionnés différemment: les politiques sur les marches qui mènent à l'esplanade et les jeunes sur le perron de l'hôtel de la ville.

Entre temps d'autres groupes sont arrivés sur la place. On relèvera celui conduit par cheikh Mesbah, qui dirige l'association «El-Hidaya». A la tête d'un groupe, en compagnie de l'ex-Cheb Djelloul (ancienne vedette du raï). Ce groupe a tenu, pour des raisons que nous ignorons, à rester à part. Dès leur arrivée, ils ont occupé les marches du TRO. Avant de prendre la parole, le cheikh a accordé le temps à ses partisans de scander leurs slogans.

Un quatrième groupe, dont une bonne partie étaient des femmes, a tenu, lui aussi, à ne pas se dissoudre dans la foule. Ils ont pris place à une dizaine de mètres de l'entrée de la maison de la presse. Craignant les risques de débordement, les cadres et militants du MSP se sont retirés en douce pour se regrouper devant le siège de leur parti se trouvant tout au début du boulevard Maâta Mohamed Lahbib, à quelques mètres de la place. Quant aux forces de l'ordre, elles ont bouclé les sorties de la place. En effet, les policiers n'interdisaient pas aux gens d'accéder à la place mais dissuadaient avec énormément de souplesse les groupes d'en sortir. Notamment du côté du boulevard Emir Abdelkader. Ils filtraient presque les sorties. Constatant l'éparpillement, les gens, soit en petits groupes soit individuellement, ont préféré partir. Des groupes ont même continué la manifestation tout au long de la rue d'Arzew. Ce qui n'a pas empêché les véhicules, notamment ceux du transport en commun, de circuler normalement.

Pour un test, la manifestation d'hier en a été un. Elle a permis aux jeunes et moins jeunes de se décharger d'une tension cumulée depuis, pratiquement, deux semaines. Nous avons remarqué plusieurs femmes en pleurs qui criaient leur condamnation des massacres d'enfants et de civils à Ghaza. La marche d'hier n'a donné naissance à aucun leader d'opinion. Mais en attendant, on retiendra qu'Oran a fini par joindre sa voix à celles qui condamnent, depuis deux semaines, les atrocités de la machine de guerre israélienne.