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Soutien à Ghaza : Marches et affrontements à Alger

par Z. Mehdaoui

Des « incidents » ont éclaté hier au niveau de l'avenue Zighout Youcef à Alger lorsque des dizaines de jeunes ont tenté de se rendre à proximité de l'Assemblée populaire nationale (APN) dans une procession organisée pour dénoncer le massacre perpétré par l'Etat hébreu à Ghaza en Palestine. Les « manifestants » étaient venus des mosquées Ketchaoua, Bab El-Oued, la Casbah ou encore la mosquée de Sahat Echouhada (place des Martyrs). Plusieurs jeunes ont été interpellés par la police puis relâchés.

Au même moment, des dizaines de milliers de personnes, en majorité des fidèles qui venaient d'effectuer la prière du vendredi, sont bloquées à proximité du ministère de la Jeunesse et des Sports à la place du 1er Mai (Champ de manoeuvres). Il était 14h30 environ et la foule devenait de plus en plus imposante devant le ministère de la Jeunesse et des Sports. Il faut savoir que les fidèles venant des mosquées de Belcourt, Salembier, la cité Mahieddine, le Champ de manoeuvres, Hussein Dey, Ruisseau, Kouba, El-Harrach et d'autres encore se sont donné rendez-vous, semble-t-il, à cet endroit.

La police a tenté de dissuader les manifestants de marcher mais en vain. La foule était devenue tellement importante que le cordon de sécurité mis en travers de la route n'a pas pu empêcher les manifestants de marcher vers la place des Martyrs où des milliers d'autres fidèles étaient déjà présents en train de scander des slogans hostiles à Israël et à certains dirigeants de pays arabes.

Jamais depuis la fameuse marche des «ârchs» en 2001 la capitale algérienne n'a vu autant de monde défiler. Ils étaient plus de 100.000 personnes, attestent certaines sources alors que d'autres parlent de plusieurs centaines de milliers de manifestants qui ont battu le pavé hier à Alger pour la première fois depuis huit années. Hommes, femmes, enfants, vieux, jeunes et moins jeunes ont participé hier à plusieurs marches qui ont toutes atterri au niveau du centre d'Alger. Mais la plus importante est celle qui a démarré depuis la place du Premier Mai. Aux cris de « Allah Akbar » la procession est passée par la rue Hassiba Ben Bouali vers la place des Martyrs, scandant des slogans tels que « ils ont vendu Ghaza avec des dollars », « Mahmoud Abbas agent d'Israël » ou encore « Hosni Moubarak traître ».

En fait, les marches se sont déroulées dans le calme et aucun incident majeur n'a été enregistré jusqu'au moment où certains ou voulu atteindre l'ambassade des Etats-Unis en passant par la rue Didouche Mourad en plein centre d'Alger. Trois processions ont défilé par cette rue en l'espace d'une heure. Plusieurs cordons de sécurité ont été mis en place à partir de la rue Asla Hocine à côté du Palais du peuple. La situation a dégénéré vers 16h35 quand la troisième procession n'a pas voulu prendre la déviation indiquée par la police. La foule qui voulait absolument prendre le chemin du Golfe (El-Mouradia) pour arriver à l'ambassade américaine a été confrontée à l'intransigeance des policiers qui ont chargé les manifestants qui étaient, faut-il le signaler, en majorité des adolescents. C'est l'affrontement. La rue Didouche Mourad est devenue en l'espace de quelques minutes seulement un véritable champ de bataille.

Abribus, plaques de signalisation et même des arbres ont été arrachés par des manifestants en furie qui ont arrosé le cordon de sécurité de pierres et de divers objets. Le camion équipé de lance à eau des forces anti-émeutes dépêché sur les lieux et qui n'avait de cesse d'arroser la foule n'était pas arrivé à bout des manifestants qui revenaient à chaque fois à la charge et narguaient même les policiers. Une heure après, les affrontements continuaient toujours et les choses prenaient de plus en plus d'ampleur car quelques manifestants ont commencé à s'attaquer aux commerces, aux bureaux appartenant à des privés, à des agences telles la CNAS ainsi que le ministère de l'Habitat qui a essuyé une pluie de projectiles. Plusieurs bureaux ont été saccagés et le mobilier jeté dans la rue, jonchée de détritus, poubelles, plaques de signalisation et d'autres objets. Même le Palais du peuple n'a pas été épargné. Des dizaines de jeunes se sont introduits à l'intérieur mais ont été vite arrêtés par les éléments de la Garde républicaine.

Les jeunes manifestants paraissaient déterminés à en découdre avec les policiers puisque toutes les charges opérées par la police anti-émeutes ne les ont pas empêchés de revenir à chaque fois. Ce n'est que vers 18 heures que la police réussira à disperser les manifestants en donnant un grand assaut avec l'appui des renforts arrivés sur les lieux. Plusieurs personnes ont été arrêtées et aucun bilan officiel n'a été rendu public ni sur le nombre d'arrestations ni sur le nombre de blessés. A noter qu'une fois le calme revenu, les agents de l'entretien sont intervenus pour nettoyer la rue Didouche Mourad qui paraissait avoir été traversée par une tornade.