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Obama et l’industrie américaine

par Akram Belkaïd

C’est dans moins de quinze jours que Barack Obama prêtera serment pour devenir le quarante-quatrième président des Etats-Unis. Durant la période de transition qui vient de s’écouler depuis novembre dernier, l’homme a été à la fois disert sur certains sujets et bien silencieux sur d’autres. S’il a évité de parler de politique étrangère, notamment de la dramatique situation des Palestiniens de Gaza, il a par contre beaucoup abordé les thèmes économiques, promettant aux Américains 300 milliards de dollars de baisses d’impôts et la création de pas moins de cinq millions d’emplois « verts », c’est-à-dire liés aux nouvelles technologies de l’environnement.

 

L’enjeu des emplois manufacturiers

 

Pour nombre d’observateurs, cette fixation sur l’économie au détriment, pour l’instant, de la politique étrangère, peut sembler surprenante de la part de celui qui va présider la première puissance du monde. Pas un mot sur Gaza, pas un mot sur le contentieux gazier entre la Russie et l’Ukraine, le mutisme du président élu est assourdissant... En réalité, Obama a fixé ses priorités en fonction des attentes de ses électeurs. Il sait que ceux qui l’ont envoyé à la Maison-Blanche l’ont fait essentiellement pour qu’il s’attaque aux effets de la crise et qu’il relance la machine économique, du moins celle qui crée de bons emplois, car il faut bien comprendre que c’est la brutale détérioration du secteur manufacturier qui inquiète les Américains. Ces derniers savent qu’il leur est encore possible de trouver un poste dans les services mais à des conditions de rémunération et même de protection sociale qui n’ont rien à voir avec le secteur industriel. En un mot, il est préférable pour eux de travailler pour Boeing que pour la chaîne de distribution Wal-Mart.

Depuis la brève récession de 2001, les Etats-Unis ont perdu 22 % de leurs emplois manufacturiers et cela essentiellement en raison de la libéralisation du commerce international sous l’égide de l’OMC et des accords bilatéraux de libre-échange conclus avec d’autres pays. Le secteur du textile est à lui tout seul un exemple édifiant : 60 % d’emplois détruits entre 2000 et 2008 à cause des importations en provenance d’Asie. L’automobile, qui se débat dans de graves difficultés, a perdu elle aussi plus de 32 % de ses effectifs durant la même période.

 

Débat sur le protectionnisme

 

Ces chiffres vont compliquer la tâche d’Obama car ils vont lui imposer de se déterminer clairement vis-à-vis du libre-échange. Les démocrates, traditionnellement protectionnistes même si c’est sous la présidence Clinton que l’Accord de libre-échange de l’Amérique du nord (Alena) a été signé, sont aujourd’hui divisés. Les uns demandent une révision sévère de tous les traités conclus au cours des quinze dernières années tandis que d’autres ne s’opposent pas à la poursuite de l’ouverture commerciale, une position qui les rapproche des républicains.

Que disent les partisans du « free-trade » ? Ils estiment que les accords de libre-échange ont été salutaires pour le « made in USA », ayant obligé les entreprises américaines à s’améliorer constamment pour relever le défi de la compétition étrangère. Ils en veulent pour preuve que les exportations ont augmenté de 58 % entre 1999 et 2007 et insistent sur le fait que le temps d’une Amérique championne des industries traditionnelles (acier, chimie, automobile,...) est révolu et qu’il est temps pour ses entreprises manufacturières de se repositionner dans des créneaux nouveaux d’où justement tous ces discours à propos des emplois verts.

Mais, outre le fait que la hausse des exportations doit beaucoup à la faiblesse récurrente du dollar, ce discours sur les bienfaits du libre-échange porte en son sein une contradiction dont devra tenir compte Obama. Les électeurs de ce dernier n’ont pas envie d’entendre dire que la destruction de milliers d’emplois - le plus souvent bien payés - est un bien pour leur pays. De même, et à supposer que ces « emplois verts » soient véritablement créés, ils se demandent aussi qui va les aider à se former pour y prétendre, le thème de la reconversion étant en effet curieusement absent du discours du nouveau président américain.