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Souvenir de voyage à Abalessa

par Abdelhamid Senouci Bereksi

Tin Hinan -l'Antinéa de l'Atlantide- devait mesurer près de deux mètres et peser plus de cent cinquante kilos. Elle avait des bras suffisamment développés pour supporter des bracelets (exposés au musée de Bardo à Alger) dont le poids dépassait le kilogramme. Je comprends son choix d'Abalessa, distante d'une centaine de kilomètres de Tamanrasset, pour construire sa capitale; un climat doux et sec, des puits, des vergers, des arbres épais et robustes, une petite Mitidja que la proximité de montagnes rocheuses rendait encore plus riante et hospitalière. Avec sa force physique, sa beauté, sa richesse, elle exerçait un pouvoir fort sur les tribus targuies qu'elle avait fédérées. Elle avait tous les atouts pour perpétuer les traditions de la société matriarcale. Les Touaregs ont gardé de ce paradis disparu -était-ce l'Atlantide ?- cette fierté des nobles, cette hospitalité des personnes qui connaissent la vertu de la solidarité devant l'adversité, cette résistance des hommes appelés à vivre et à survivre dans des climats extrêmes, cette honnêteté des personnes qui connaissent le prix de l'effort ! Ils sont minoritaires à Tamanrasset, la nouvelle capitale du Hoggar. Ayant multiplié sa population par vingt cinq depuis un siècle, la ville a mal grandi. Elle ne semble avoir ni âme ni identité, en ce sens, elle ressemble un peu à certaines banlieues des villes du Nord. La majorité de la population est composée de gens du Nord et d'immigrés du Mali et Niger notamment. Une visite à l'Assihar de Tam nous trempe rapidement dans l'ambiance et les couleurs des marchés de Niamey, Agadez ou Tombouctou. L'Haoussa y est parlé, la nonchalance, le verbe haut et le marchandage parachèvent l'ambiance. Les immigrés africains effectuent les travaux pénibles -chantiers de construction, agriculture...-, ils sont bien acceptés par les Touaregs. Pratiquement, tous les services sont occupés par des gens du Nord, certains ont, par ailleurs, apporté avec eux les tares des grandes villes du Nord. Le tourisme attire toute une faune, Tam a, me semble-t-il, grandi grâce au tourisme. Il s'agit, certes, d'une richesse tant que les us et coutumes des autochtones sont respectés sans les folkloriser, tant que la nature et ses extraordinaires enfantements sont préservés? Il est heureux que les Algériens visitent et apprennent à connaître leur pays, sa diversité, ses richesses et ses réalisations. Parmi ces réalisations, le transfèrement de l'eau des nappes de In Salah jusqu'à Tam, sur une distance de 650 kilomètres, à travers dunes, montagnes rocheuses, ergs et regs, constitue une œuvre pharaonique qui apporte la vie et garantit la paix sociale. La transsaharienne a cassé la frontière entre le Nord et le Sud, espérons qu'elle remplisse sa vocation de pont de connaissance, de partage, de solidarité et de respect mutuels. La diversité constitue notre richesse, elle est le ciment de notre unité et la sève de notre volonté de vivre ensemble.