Qui
veut cacher la poussière sous le tapis de la République ? Présidant une réunion
du Conseil des ministres après sa longue convalescence, le Président a brandi
le carton rouge. Lors d'une évaluation de l'activité gouvernementale durant
l'année écoulée, Tebboune a clairement affiché son
mécontentement à l'égard de certains ministres, comme celui dédié à l'Industrie
cinématographique qui n'a servi presque à rien depuis sa création ! Même
certains walis de la République n'ont pas été à la « hauteur de leurs missions
», a tranché le Président. Mais si, sur les cimes de la République, le nouveau
timonier au gouvernail du gigantesque vaisseau Algérie s'échine, avec beaucoup
de labeur, à rapiécer le costume trois-pièces-cuisine d'un pays en entier plus
que jamais à l'étroit, et lui faire retrouver le bon chemin perdu, peut-on en
dire autrement du pouvoir local, où la poussière épaisse continue à s'amonceler
pour être cachée sous le grand tapis miteux de l'Algérie nouvelle ?
Englué
dans une réalité plus cauchemardesque que psychédélique, le pouvoir local agit
comme une pastille d'aspirine sur un corps atteint d'un cancer métastasé. Une
attraction-répulsion qui fait toujours remonter plus haut les effluves
suffocants de l'ire populaire, jusque-là plus ou moins contenue. Et comment
peut-il en être autrement lorsque chaque jour qui se lève sur l'arrière-pays
profond est, pour le citoyen fatigué, une épreuve nouvelle pour mesurer le
fossé immense qui sépare encore les discours aseptisés de la réalité crue, la
parole naturellement facile contre l'acte forcément difficile. Autant «
l'Algérie nouvelle » se veut debout sur ses ergots aiguisés et déterminée à
extirper d'une main ferme et décidée, les bourgeons de la division, autant le
pays profond hésite encore à se projeter dans un avenir qu'il craint de voir
ressembler à hier. Il faut bien dire qu'au niveau de la « perception locale »
du Pouvoir, la distance qui sépare Alger, le Centre des centres, du reste du
territoire provincial semble toujours s'étirer de plusieurs centaines de
kilomètres, au point que même le « projet du siècle » qu'est l'autoroute Est -
Ouest n'a pas réussi à écourter la distance qui nous sépare de la capitale,
comme inextinguible sur ses hauteurs impossibles à escalader. Un peu comme une
loi qui démarre rigide d'en haut pour arriver jusqu'à nous, en bas, comme molle
et élastique, les administrateurs locaux sont apparentés à des courroies de
transmission contrefaites, depuis longtemps enrayées. Lorsqu'il faut attendre
jusqu'à la mort pour prétendre à un « quelque chose » pour blottir sa
progéniture sacrifiée. Quand il faut s'armer d'un trésor de patience pour
quémander un document ou un service public. Attendre une éternité, sinon des
lustres entiers, pour humer l'air stérilisé et l'ambiance feutrée du « gros »
bureau... d'un tout petit col blanc qui s'empresse aussitôt à vous « arroser »
de ses propres tourments pour vous faire oublier les vôtres, l'on a tout le mal
du mal à convenir que quelque chose est en train de changer dans ce pays. Si
des peuples, les vrais, s'imposent aujourd'hui en véritables maîtres du Monde,
ce n'est certainement pas (ou seulement) grâce au génie de leurs gouvernants,
mais c'est surtout là, le résultat bienheureux d'une implication réelle,
effective et persuasive de ses forces, toutes ses forces, y compris celles
mises au frigo parce que placées en état artificiel d'hypothermie. Plus que le
pain, l'eau, l'huile ou le sucre, c'est assurément de cela que nous avons
besoin pour ne pas nous laisser prendre en mauvais sandwich Quick, dans une
planète qui bouge sans cesse, au point où les mêmes positions ou repères
géographiques ne pèsent plus rien devant l'appétit impitoyablement léonin de
l'Autre ! Plût à Dieu que l'Algérie nouvelle puisse voir le jour...un jour qui
viendra !