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Le Général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah est mort : mission accomplie?

par El Yazid Dib

Paix à son âme. L'on ne doit pas se réjouir de la mort de quelqu'un. Malgré les divergences, les accointances ou les distances un homme mort doit être dépassionné et extrait de tout débat. L'on peut toutefois jeter un regard qui restera toujours sujet à ses propres croyances, sur telle œuvre ou telle action désœuvrée du défunt. Le temps actuel est dû au respect des morts, du deuil des siens, de son combat. Un autre temps, ultérieur demeure dans le possible des arguments et des commentaires. L'homme fort du moment, celui qui détenait le réel pouvoir depuis le 02 avril, celui à qui l'on impute tout souffle de la vie politique nationale, ces derniers temps, est mort. On ne l'entendra plus discourir, on ne le verra plus blâmer les uns enorgueillir les autres. Il est parti à jamais. L'armée, comme contrefort et patrimoine à tous est, cependant toujours là, faisant face à l'ensemble des menaces et risques qui nous guettent, quelles que soient leur nature et leur origine et qui s'opèrent dans le monde en général, et dans notre région en particulier, au regard de sa position stratégique vitale. Différencier l'institution de l'homme est chose facile, déprécier l'œuvre de l'homme envers l'institution est chose stérile. On l'a dit et on le redit ; l'armée n'est pas dans la peau d'un général, ni constitue la propre identité d'un état-major. Les personnes partent, l'armée reste. Chez nous, avec la déliquescence qui greffe tous les organes de la République, leur usure une seule demeure stable pour le bonheur de tous. La seule qui puisse se prévaloir d'une crédibilité. L'ANP. Cette armée ne peut être qu'au service du peuple dont elle émane. Les aigris, les recalés de la mouvance, les voix de leurs maîtres, les scissionnistes, ceux qui gardent des rancunes envers des personnes, ne doivent pas confondre règlement de compte individuel et intérêt suprême du pays.

Chez l'être doué d'un humanisme sans contrepartie ni réciprocité, l'on apprend que s'il est interdit de tirer sur des ambulances alors, que dire de lancer ses affronts sur un corbillard ? Laissons les ardeurs se décanter, les têtes se refroidir et les animosités s'estomper, le temps d'un enterrement, d'une méditation. C'est un homme qui vient de mourir avant le général. Paix à son âme. Le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de l'ANP aurait mené à termes sa feuille de route. L'installation d'un président de la République. Il avait à gérer durant dix mois l'une des plus difficiles crises politiques qu'avait vécue le pays. Le ?Hirak', la dispersion du peuple, les vendredis houleux, les mardis estudiantins, les guets de l'étranger, les relents des coulisses et de la complotite, les allergies et les pathologies des uns et des autres, enfin le challenge, le terrible défi, le pari parfois hasardeux mais intrépide ont de quoi provoquer salutairement plus d'une crise cardiaque, une démence. Paix à son âme. Sa feuille de route est en soi une mission accomplie. Régenter tel qu'il se doit des élections présidentielles en leur date, sans effusion de sang, sans état de siège ni couvre-feu, avec cependant des glissements et des dérives libertaires n'est-il pas un accouchement trop douloureux mais délivrant ? Maintenant que le président de cette République que le peuple aurait voulu voir incarnée dans un Etat d'égalité et de Droit est-il, pour autant, affranchi de tout soutien, de tout parrainage ? Va-t-il se sentir ramolli par l'absence subite d'un puissant support ou pense-t-il devenir libre et indépendant comme le candidat qu'il supposait être ? Enfin pour le défunt il n'y a pas plus d'accomplie que cette mission. L'autre mission de parachever les revendications existentielles du ?Hirak' est du ressort du relais présidentiel, de ceux qui lui vouaient parfois admiration respectueuse, parfois obédience virtuelle. Un ami sur un ton fortement théologique, convaincant par ailleurs, tenait à m'informer que si l'on prenait sur sa dimension de mortel ; l'homme Ahmed Gaïd Salah devrait être un pieu croyant eu égard à cette mort soudaine, politiquement survenue à temps opportun, sans Val-de-grâce, sans résidence médicalisée, sans souffrance ni indignité. Mort dans son lit familial entouré des siens. Prière pour l'absent.