C'est, chaque année, la même chose. Non, la même chanson,
quand il s'agit de donner le prix, ou la cote du mouton destiné au sacrifice
pour l'Aid El Adha. A
savoir la question qui fait mal aux poches, si ce n'est le budget des ménages :
combien ça coûte ce bélier ? Et ils sont chers, ces fameux moutons à grosses
cornes, deux fois recourbées, car ils sont de vraies bêtes. Pas comme ces
moutons destinés à l'abattoir que les maquignons fourguent à ces centaines de
milliers d'Algériens, tout heureux d'acquérir un « bélier » à 50.000 ou 55.000
dinars, selon les boniments du revendeur, avec son accoutrement fait d'un
chèche, et d'une kechabia, et une canne en bois
d'olivier pour faire vrai. En fait, dans ces marchés improvisés de vente de
moutons, l'arnaque est omniprésente, car souvent ces béliers vendus à une
clientèle néophyte en matière de bétail et d'élevage, à des prix exorbitants,
qui font monter les enchères plus qu'il n'en est nécessaire, ne sont en
définitive que de simples moutons ordinaires, pas de quoi pavoiser. Car les
vrais béliers, les belles bêtes aptes à être sacrifiées, ne sont pas destinés à
la vente, sinon dans de très petites proportions, et donc les clients de ces
marchés à bestiaux sont souvent grugés sur la qualité autant que sur la
provenance des bêtes destinées au sacrifice. La raison est que les gens des
villes, qui ont une grande estime des moutons des hauts plateaux, de Mécheria à El Bayadh, et de
Djelfa à Bou Saada, de Tiaret ou de Bordj Bou Arreridj, et plus
particulièrement de la race Ouled Djellal,
sont prêts à débourser une coquette somme d'argent pour acheter un bélier de
ces régions. Des bêtes réputées pour la qualité et la saveur de leur viande,
sans trop de cholestérol, et qui arrivent à donner dans les 32 kg. Ce sont là
en fait les dispositions sociales, financières et psychologiques qui prévalent
généralement au devant des conditions sine qua non
pour l'achat ou l'acquisition d'un mouton à sacrifier le jour de l'aïd. Car les
Algériens, tous les Algériens, deviennent subitement, comme pour le football,
des experts et des connaisseurs, dans l'élevage du bétail, dans leur
alimentation, la qualité des parcours où ils évoluent le reste de l'année, le
genre d'éleveurs qui les font paître dans les vastes prairies du pays, etc.
Tous ces détails sont débités d'un trait, par tous les acheteurs qui se
bousculent ces jours-ci dans les points de vente de moutons répartis sur tout
le pays, et, qui, tous, finiront par acheter, en bons connaisseurs le faux
mouton. Celui que le revendeur occasionnel, le « beznassi
» l'espace d'un Aîd El Adha,
aura réussi à leur fourguer. Et qui les fera « casquer » une somme qu'ils
n'avaient pas, au départ, l'intention de payer pour l'achat d'un mouton très
ordinaire, et pas un Ouled Djellal,
ni un Bou Saadi, encore moins un vrai bélier. Et au final, il ne sert à rien de
vouloir se présenter comme un connaisseur des béliers et des moutons, car le
piège, dans ce genre de marchés, est partout. Alors, pour ne pas acheter idiot
sa bête du sacrifice, il suffit tout simplement de s'adresser au bon maquignon,
en confessant son ignorance de la « science des moutons et des béliers »,
peut-être qu'il compatira à votre ignorance en vous refilant une belle
marchandise. Sans grande bourse délier.