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Service à café

par Mahdi Boukhalfa

Un service à café, des tableaux, pas de maître bien sûr, et autres babioles avaient été offerts en grande pompe à certains héros de la campagne égyptienne 2019 de la sélection nationale de football. Oui, un service à café a été offert devant les caméras de télévision à deux joueurs de l'équipe nationale par des responsables locaux, un autre s'est vu décerner un quelque chose innommable et non identifié comme récompense pour l'obtention de la Coupe d'Afrique des nations. On se pose la question bien entendu de l'utilité et, au-delà, de la signification de tels présents offerts comme gage de remerciement et d'infinie reconnaissance de la Nation et du pays, à des joueurs payés dans leurs clubs respectifs en dizaines de milliers d'euros. Des joueurs qui doivent également toucher une coquette somme d'argent pour avoir remporté le sacre final de la CAN 2019, puisque la FAF va toucher 4,5 millions de dollars, prime offerte par la CAF au vainqueur de cette édition.

Alors, on se pose la question de la signification et la portée politique, puisqu'il doit bien y avoir une arrière-pensée politique dans ces réceptions des joueurs de l'équipe nationale, de ces cadeaux que n'importe quel Algérien boudera dès qu'il saura qu'il s'agit de tasses de café, de soucoupes et de cafetière. Alors question: les héros du Caire ne valent-ils pas plus qu'un simple service de café pour les responsables locaux, qui ont dépassé leurs prérogatives pour pouvoir jouir de la présence d'un Belaili ou d'un Bounedjah, voire d'un Youcef Attal, reçu comme un sauveur dans une wilaya d'où il est parti comme un inconnu. A quoi riment ces exhibitions outrecuidantes, ces cadeaux d'un autre âge, ces «m'as-tu vu» organisés rien que pour que les responsables puissent toucher et parler avec de simples Algériens, des enfants du peuple qui se sont forgé, à force de travail et de sacrifices, une personnalité, un avenir, et défendent sur les terrains du monde les couleurs nationales. Un bien terrible détournement de cette victoire d'une équipe nationale à des fins autant politiques, institutionnelles que personnelles. Lorsque les supporters des «Verts» couraient presque derrière le bus à impériale qui ramenait les joueurs de l'aéroport au Palais du peuple, avec une température de 40 degrés à l'ombre, ou accrochés à des arbres et des poteaux électriques pour saluer leurs héros, il est indécent d'exploiter outre mesure et de cette manière l'image de marque de la sélection nationale et ses joueurs. Fussent-ils du «bled», ou de la dechra voisine.

L'équipe nationale, sa symbolique et ses éléments méritent plus en tout cas que ces «services à café» que l'on exhibe béatement devant les caméras de télévisions, devant l'opinion publique. Bounedjah ou Attal valent-ils seulement un service à café, ou un tableau en bois pour ces responsables ? Quelle triste conception d'une victoire sportive que cet étalage indécent d'une bigoterie mal fagotée a offert le lamentable spectacle aux Algériens. A un moment, on aurait même supplié la caméra, lors de ces inutiles réceptions de joueurs de l'équipe nationale, de « nous cacher ces cadeaux qu'on ne saurait voir ». Faut-il alors désespérer de voir nos responsables s'élever au dessus de leurs responsabilités pour épargner aux amoureux d'« El Khadra » de telles injustices ?