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Non, vous n'êtes pas un bon Ministre !

par El Yazid Dib

L'on parle encore d'un probable remaniement ministériel. L'on espère que celui-ci cassera enfin tous les mythes que certains ministres ont créé autour de leur personne. De ces ministres, il y en a ceux qui ont réussi perfidement à procréer de l'illusion et en persuader ainsi non seulement l'opinion publique, mais aussi certains cercles de décision. Par l'effet médiatique préconstruit et recherché, au lieu de bons citoyens vigilants et consciencieux, ils en ont fait de studieux téléspectateurs. De soucieux consommateurs de JT et de scénarios populistes malgré le néant et la détresse qui les entourent. Voyez-vous, de ministre, vous êtes devenu un acteur de télé-show.

L'on n'est pas bon ministre juste à pouvoir exploser l'écran en ameutant les caméras acquises pour un quelconque fait de service que l'on fait prendre pour un événement hautement national. L'on n'est pas bon ministre juste à se faire accueillir par un folklore et inaugurer un guichet d'état civil, un bloc d'urgence médicale ou un hideux immeuble social pourtant flambant neuf. Il y a de ces ministres qui croient savoir tout faire, alors qu'ils ne savent plus quoi faire. A plein défaut d'arguments, à court d'idées, recours est fait à organiser n'importe quoi. Un atelier hybride, une journée informelle, une assise mal-assise. Ils n'ont d'esprit que la hantise qui pointe chaque jour dans la rumeur que le prochain remaniement est pour demain. La sensation est douloureuse et de la même intensité que celle d'un accouchement prématuré que l'on ne désire jamais pour soi.

Tout le monde s'accorde à dire qu'un travail ministériel se constate à la longue et se palpe dans le quotidien, dans ce souci inévitable de rendre heureux le citoyen, l'administré, le patient, l'écolier, l'éboueur, le médecin et l'épicier du coin. Il ne suffit plus maintenant de se montrer en train de travailler ou de discourir alors que ce travail de service public n'engendre nul impact ni sur le jour, ni sur la nuit. Les rues urbaines se sont mariées aux nids de poules, les communes se désertent et ne sont plus des territoires attractifs. C'est à la pauvreté qui habite la poche de l'homme lambda et celle qui envahit la tête de l'homme gouverneur que la vie journalière se durcit, que les prix s'envolent, les fruits et les légumes s'interdisent. Vous n'avez, Monsieur, ni politique de bonheur, ni instruments de félicité. Le contrôle, le vôtre, se meurt injustement dans ces missions, ces commissions et ces apparitions qu'inondent en finalité le silence, l'impunité et l'oubli.

Derrière chaque nom qui se fait trop entendre, se dire et se redire, se cache ou un génie ou une malice. Mais aucune intelligence efficace et loyale si ce n'était cette façon de savoir sournoisement se mettre sous les feux de l'actualité et penser ainsi devenir un mythe ou un exemple de travail. Non Monsieur, vous n'êtes pas le meilleur. Vous fonctionnez comme un équilibre entre un embrayage et un accélérateur. Vous ralentissez devant les dos d'âne illicites, abrupts et imposés que vous ne pouvez ni légaliser, ni égaliser ni apprivoiser.

Vous continuez à agir comme un étudiant débutant en quête d'être toujours le premier de la classe, vous n'avez nulle considération pour la collégialité ou le travail commun, cherchant uniquement l'exploit personnel et la montée des podiums. Vos hôpitaux sont des catafalques pour les souffre-douleurs, vos concessions minières sont des mines bancaires pour certains, vos mosquées sont des confessionnaux pour les victimes quand il n'y a plus de recours.

Croyez-vous à la disparition de la bureaucratie, à la sécurité routière, à la valorisation de la citoyenneté, à l'égalité des chances, à la performance électronique, à la récompense du mérite ou bien êtes-vous toujours cantonné dans vos souvenirs, vos frustrations, votre dénuement ? Non, vous n'êtes pas un bon Ministre. Ne cherchez plus à prendre revanche sur un temps qui ne vous a pas, dans son temps, laissé finir calmement vos multiples adolescence et jeunesse demeurées inaccomplies. C'est à l'Algérie, parfois au vide de cette Algérie devenue hélas un temps durant, infertile ou frappée de ménopause, que vous devez votre fausse ascension.