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Confusions

par Kamal Guerroua

Toujours dans l'incertitude, l'Algérie s'interroge aujourd'hui sur son devenir. La paranoïa générale est presque au stade de l'alerte. Du chômage à la corruption, de la bureaucratie au laisser-aller gestionnaire, de la cocaïne au choléra, le tableau est gris et l'esprit de nos citoyens est obnubilé par des pensées anxieuses. Quel buvard peut absorber toutes ces «décharges publiques» de questions, de rumeurs et de bavardages de trottoir ? Cinquième mandat ou pas ? L'armée est-elle maîtresse du jeu politique ou non ? Le système est-il déterminé à continuer de gérer de cette façon indifférente le pays ou non ?

Sans doute, lorsqu'on biaise la réalité et n'en retient que ses éléments décoratifs, on tombe vite dans le panneau du daltonisme. Oui la maladie de l'Algérie actuelle s'appelle daltonisme. Un trouble de vision et surtout de «lucidité» ! Nos yeux ne différencient pas entre le blanc et le noir, le vrai est le faux, l'utile et le futile. Ainsi, la quête de sens à nos actions devient-elle un pur fantasme de frustrés. Il y a plus faux que le faux, dit un jour l'écrivain français Paul Valéry, c'est le mélange du vrai et du faux ! Notre pays est un cas d'école en la matière. Mais où est la solution à notre malheur, mon Dieu ? L'Algérie avance-t-elle vraiment vers l'abîme ? Si ce n'était pas le cas, comment pourrait-on interpréter l'apparition d'une maladie moyenâgeuse, dans les parages d'une capitale d'un pays, considérée autrefois comme la façade de tout un continent ? Est-il logique de normaliser un fait pareil et d'entendre de la bouche même du ministre de la Santé que le révéler (le choléra bien entendu), relève de la transparence et du courage ? Et si l'Algérie dépend financièrement des rentrées en devises du tourisme, comme ses voisins marocains et tunisiens ? Ce sera, inéluctablement, la pire des catastrophes qui engloutira ce qui reste de vital à l'espoir de la population.

Il est clair que, s'il y a un moyen des plus sûrs de lutter contre un fléau, une maladie ou un phénomène social dangereux, c'est bel et bien la bonne communication, le suivi et puis des méthodes efficaces d'intervention sur le terrain. Or, rien de tel chez nous. Combien de fois a-t-on entendu que des fermes et des plantations sont irriguées par les eaux usées ? Que des canalisations d'eau défectueuses desservant des cités urbaines entières ? Que des décharges de poubelles «anarchiques» sont installées à ciel ouvert, même au cœur de certaines villes du littoral ? Qu'a-t-on fait depuis ? Réponse : rien, rien, rien ! Pire, tout cela n'a suscité aucune dynamique étatique d'envergure pour le long terme. Et puis, a-t-on pensé un jour à l'acquisition d'incinérateurs et de la formation d'agents de nettoyage polyvalents au recyclage des déchets dans un environnement, de plus en plus, en proie à la pollution ? Certains habitants de l'une des communes les plus pauvres de la Kabylie se sont récemment plaints de l'absence d'une décharge de poubelle communale ! En vain ! Vous imaginez un peu le problème ! Malgré les efforts du maire, aucune solution n'a été trouvée, faute d'un terrain d'assiette. Et toute la commune étouffe, à son corps défendant, sous les odeurs nauséabondes de ses poubelles. Des problèmes de même nature se comptent par centaines dans cette Algérie qui ne sait plus sur quel pied danser ! Dommage.