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Débats préjudiciables

par Moncef Wafi

Le problème de l'Algérie et des pays arabes et musulmans, en général, n'est pas forcément dans la longueur de la jupe ou la couleur du voile intégral. Il est ailleurs ; et cet impérieux besoin de confiner la réflexion à une simple et vulgaire confrontation sexuelle chasse le vrai débat qui doit être centré sur la légitimité des régimes en place et l'existence même de la notion de citoyenneté dans le monde qualifié prosaïquement d'arabo-musulman.

Cette propension à réduire le débat et ostraciser la pensée à une question de la femme doit impérativement convoquer l'urgence d'une mise au point pour remettre en cause un mode de pensée unique et dangereux qui s'attaque à la religion pour s'en servir comme d'un fonds de commerce de plus en plus douteux.

Des voix, fortement en mal d'inspiration, lèvent en étendard la liberté de la femme, promptes à se faire les défenseurs d'un outrage individuel ou d'une tentative d'agression, devenus par la grâce d'un cahier des charges des affaires d'Etat. Le problème ne réside pas tant dans la femme ni dans la place qu'elle occupe dans la société, encore moins dans le rapport conflictuel qu'elle développe avec les moustaches, mais s'inscrit dans une volonté d'expropriation de la logique qui détourne l'attention et allume des contre-feux, de gigantesques brasiers, par calcul ou par simple ignorance.

Le débat doit s'élever au-dessus des simples faits divers, tout juste bons à alimenter les pages croustillantes d'un journal qui fait du sensas sa marque de fabrique. Il doit dépasser les préjugés et les règlements de compte personnels ou les avis d'appel d'offres idéologiques.

Faire d'un frustré, qui s'attaque au burin à une statue à poil, un représentant d'une communauté religieuse, c'est vite aller en besogne, et les raccourcis, comme chacun le sait, mènent parfois à des impasses mortelles. L'agression d'une joggeuse en plein ramadhan est anecdotique et n'engage que son auteur alors pourquoi en faire une affaire d'opinion alors que la violence faite aux femmes est un quotidien qui revient en boucle ?

Le problème est national et la réalité individuelle. La mobilisation contre les extrêmes est une arme à utiliser mais reste à prioriser les urgences. On aurait aimé voir ces mêmes voix appeler à courir pour la démocratie, la vraie, à chanter pour la liberté de l'esprit et du corps, à marcher pour qu'on arrête de nourrir des élèves au pain fromage et qu'on les transporte dans des camions à bétail. On aurait apprécié de voir des combats contre l'amnésie et la corruption, on aurait voulu entendre des appels s'élever pour protester contre l'augmentation du prix de tout et de rien comme on aurait souhaité que le statut de citoyenneté soit revendiqué avant même celui de la femme. Enfin !