Le 5
Juillet. Une date. Un symbole. Un espoir. Des incertitudes. Une conviction. Une
vérité. Que reste-t-il de l'indépendance de l'Algérie ? 56 ans après 1962, les
Algériens attendent, toujours, de célébrer une indépendance confisquée
avant-même le solde de tout compte avec l'occupation. Et chaque 5 Juillet qui
passe, les Algériens sont confrontés à un peu plus de grignotage de leurs
libertés d'action et de penser face à une addiction au pouvoir qui ne craint
plus de s'afficher dans un décompte fatal. Le compte à rebours étant déclenché
bien avant 1962, les Algériens assistent, impassibles, à un spectacle muet
d'une pièce qui tourne en boucle, la gueule bien en évidence, prête à mâcher le
premier spectateur qui quitte la salle. Et les comédiens sont ceux qui étaient
déjà là, hier, à répéter leur texte, à faire semblant d'être crédibles, à
s'autoproclamer rois du monde, alors qu'ils ne sont jamais sortis du port.
Ceux-là mêmes qui critiquent, aujourd'hui, les spectateurs, coupables de ne
pas, suffisamment, applaudir, d'être discrets lorsqu'il est temps de la
standing-ovation et qui jouent au malade imaginaire de Molière, qui répètent
inlassablement, en coulisses, les Misérables de Hugo. Etre ou ne pas être
indépendants ? Comme pour paraphraser Shakespeare à la sauce locale et le
rideau ne veut pas se baisser ou bien c'est le mécanisme qui s'est grippé.
Qu'importe. La même pièce qui se joue, depuis 56 ans, un peu plus selon les
historiens maudits. Un peu moins selon les comptables patentés du metteur en
scène. Le texte désuet, appris par cœur par de mauvais acteurs. Les piètres
figurants sont, également, présents aux côtés des souffleurs en mal
d'inspiration et le temps passe. Il passe depuis 1962, sans pourtant avancer.
Le théâtre tombe en ruines, le plafond s'est affaissé en certains endroits, des
comédiens sont tombés à terre, leurs enfants les ont remplacés, d'autres ne
bougent plus, ne lisent même pas leur texte mais l'essentiel, c'est que ?the
show must go on', comme le chante, pour l'éternité, Queen.
Les spectateurs, enchaînés à leur siège, sont nourris à la cuillère à café,
surveillés, étroitement, par les gardiens du temple qui tabassent ceux qui
osent huer, puis remplacés dès qu'ils meurent. Pour les plus zélés, une petite
place sur l'estrade ou dans les coulisses. Le plus important est que la pièce
ne s'interrompt jamais et qu'aucun pied étranger au producteur ne met le pied
sur la scène. Le rideau ne veut toujours pas tomber et les comédiens, de plus
en plus âgés, de plus en plus mauvais, bafouillent leurs répliques, oublient la
trame de l'histoire, inventent des situations et exaspèrent le réalisateur,
qui, lui, est à l'abri d'une des loges princières du théâtre. 56 ans que la
pièce est à l'affiche malgré les critiques décevantes et le spectacle de
continuer. Jusqu'à quand ?