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Et pourtant ils ne sont ni Arabes ni musulmans

par Moncef Wafi

Un total de 79 artistes, universitaires et producteurs de renom ont écrit une lettre ouverte, publiée dans le quotidien britannique The Guardian, pour réagir à la décision du festival artistique et musical allemand Ruhrtriennale d'interdire de scène le groupe écossais Young Fathers, un partisan du Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) contre Israël. Parmi les signataires, Viggo Mortensen, aussi à l'aise sur un cheval dans la trilogie du Seigneur des anneaux que maniant le dialecte algérien dans Loin des hommes, Danny Glover, partenaire de Mel Gibson dans la saga de l'Arme fatale, le groupe britannique Massive Attack, Patti Smith, la chanteuse et musicienne américaine de rock, ou encore le réalisateur britannique, palme d'or de Cannes, Ken Loach, et Roger Waters, membre fondateur et bassiste du mythique groupe Pink Floyd. C'est dire. Tout ce gratin mondain dénonce cette chape de plomb qui s'abat lorsqu'il s'agit d'évoquer la politique sioniste en Palestine. Comme si critiquer Israël sur le sujet des droits de l'homme ou militer pour la liberté des Palestiniens équivaut à un acte antisémite.

Ils appellent au respect de la liberté d'expression si chère aux groupies de Charlie Hebdo. Ces personnalités, mondialement connues et reconnues, ne sont ni Arabes ni musulmanes, ne recherchent ni notoriété ni le buzz et n'ont d'autres motivations que la défense des opprimés. Alors que pareilles initiatives ne verront jamais le jour du côté des pseudo-intellectuels arabes davantage soucieux de plaire aux cercles pro-israéliens, Desmond Tutu, le nobélisé de la paix, Noam Chomsky, le célèbre linguiste américain, et la militante des droits de la personne, Angela Davis, ont joint leur stature à cet appel, évoquant ce qu'ils qualifient de forme alarmante de «censure, blacklisting et répression». Une riposte cynique et hypocrite des puissants lobbies sionistes disséminés dans le monde qui se dressent en cerbères de la mémoire du temple de Salomon.

Le tour de force a été réalisé par Paris qui a décrété que critiquer la politique d'Israël c'est presque sinon un «antisionisme» antichambre systématique de «l'antisémitisme». Cette dictature de la pensée unique, lorsqu'il s'agit de défendre Israël, est le fait du poids considérable, et c'est un euphémisme, du lobby juif installé dans le pouvoir politique français et dans les rouages du show-biz et du monde de l'information et de l'édition hexagonale. Devant cette impasse provoquée, des intellectuels français s'étaient indignés, s'interrogeant «sur le droit, en France, de contester la politique israélienne, de condamner son mépris du droit international, de dénoncer les injustices subies par le peuple palestinien» alors que les Palestiniens sont de plus en plus menacés par les projets d'expansion des colonies juives et des projets d'annexion et «le projet de redéfinir la nature même de l'Etat d'Israël».

Ces penseurs, comme les 79 personnalités du The Guardian, en publiant une tribune sur le site Mediapart, posent le problème dans toute sa nudité, luttant pour un droit, somme toute démocratique, de contester librement la politique israélienne. Ces hommes, même s'ils sont très peu à braver les interdits érigés en miradors par les supplétifs de la pensée israélo-juive, ont le mérite de dénoncer au risque d'être réduits artistiquement au silence. Et dire qu'il ne se trouve aucun «nom» arabe pour appeler au boycott d'Israël.