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Etat de veille

par Moncef Wafi

L'impérieuse nécessité de contenir toute velléité de protestation populaire, même par la force, ou plutôt, surtout par la violence institutionnelle, plonge le pays dans une spirale négative, reflétant l'image d'un régime autiste (avec tout le respect qu'on doit aux autistes) qui s'enferme douillettement dans sa bulle. Un cocon qui refuse de voir les réalités telles qu'elles sont et non pas à travers un faisceau de bilans et de conclusions qui ne veulent, absolument, rien dire, à force d'être triturées dans le sens du poil. Face à la grogne populaire, l'Etat retrouve ses vieux réflexes et ressort son carnet de chèques pour distribuer l'argent qu'elle n'a pas et louer, pour un temps, cette paix sociale si chèrement acquise.

A défaut de justice sociale, on préfère, en haut lieu, dompter cette paix factice qui risque de dévorer son maître, sitôt les puits asséchés. En Algérie, la gestion de la chose publique est réactive, se faisant soit par à-coups soit à la hussarde, ne prenant pas la peine de baliser ou de penser à une étude d'impact. La projection n'étant pas le fort de ce pouvoir, on assiste, incrédules, à des situations ubuesques qui inviteraient à la franche rigolade si leurs conséquences n'étaient pas désastreuses ou dangereuses. L'interdiction d'importation avec le dossier du montage des voitures in-vitro sont la parfaite illustration de cette navigation à vue et de ce tâtonnement qui a fait perdre au pays du temps et de l'argent. Beaucoup de temps et énormément d'argent. On ne fait pas dans le discernement et lorsqu'on interdit un produit, on ne réfléchit pas, sérieusement, aux victimes collatérales. L'interdiction, entre autres, de l'importation des aliments sans gluten pénalisent, à n'en pas douter, les malades cœliaques et on se demande sur quelle base on a signé ce document.

Un exemple parmi tant d'autres qui supposent des maladresses dans les prises de décisions et un certain empiètement sur les prérogatives des uns et des autres. Le bon sens aurait voulu qu'on n'impacte pas directement la santé des Algériens et qu'on offre des alternatives à la mauvaise qualité des produits fabriqués localement. Cette exagération dans la défense du produit ?made in bladi' frise, parfois, le ridicule lui valant le rappel, peu diplomatique, des fournisseurs européens qui assistent à une fermeture des frontières économiques et un protectionnisme primaire qui ne dit pas son nom. Si l'Etat est dans son droit de stopper l'hémorragie des importations, il est par contre de son devoir d'assurer l'équivalent national qui soit d'une qualité au moins égale au produit importé et pas à n'importe quel prix. L'exemple des produits agricoles locaux qui ont doublé, voire triplé, de prix après l'interdiction de leur importation donne cet éclairage sur cette mentalité du tout ou rien propre à un pays en état de veille.