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L'Algérien est-il un citoyen avant tout ?

par Moncef Wafi

Pourquoi l'Algérien court-il en traversant un passage piéton censé être protégé, selon la définition universelle ? Pourquoi croit-il qu'on lui rend un précieux service lorsqu'il se fait délivrer un document administratif aussi inutile qu'un manteau de cuir en plein été ? Pour quelles raisons inavouables s'inquiète-t-il du prix du baril du pétrole alors qu'il n'a rien à cirer de la mercuriale des hydrocarbures ? Last but not least, pour faire plus anglais que Shakespeare, pourquoi la majorité des Algériens pense dur comme fer que le système lui a rendu service en l'envoyant à l'école, lui a construit un toit ou lui a trouvé un boulot ? La réponse est la même et elle se cache dans cette ignorance des droits élémentaires que confère un statut de citoyenneté à part entière. Avant d'engager une quelconque réflexion sur la nature des relations qu'entretiennent les Algériens avec le pouvoir -terme généraliste, si ça se trouve, pour désigner une entité impersonnelle donc échappant à toute tentative de poursuite pénale ou morale- il est plus que nécessaire de définir le personnage ou la personnalité même de l'Algérien dans sa conception la plus large possible. Entre droits et devoirs, statut social et appartenance tribale (on en est encore là), la citoyenneté pleine et responsable n'est pas actuellement et ne l'a jamais été, dans l'histoire, un gène algérien. Cette absence statutaire rend toute approche de compréhension handicapée et on se perd dans le labyrinthe des définitions dogmatiques propres à vous donner la migraine pour quinze jours. Le concept même de citoyenneté est caduc dans un royaume qui ne reconnaît pas les siens et qui a toujours maintenu ses sujets dans une condition d'assistanat avérée ou supposée.

A force de penser que l'Etat-providence existe réellement, l'Algérien s'est psychiquement conditionné à être une poche à remplir et une bouche à nourrir, oubliant presque, au passage, que ceux qui nous gouvernent ne sont pas les propriétaires du pays ni les dépositaires de ses richesses. Ils ne sont qu'en mode locataire pour une poignée d'années et qu'ils sont comptables devant le peuple de la gestion des deniers publics. Le pouvoir n'a pas à être remercié d'avoir construit des logements, des universités ou des usines, puisqu'il est de son devoir de le faire en rendant compte à ceux qui l'ont désigné. Le pétrole n'appartenant pas forcément à l'Etat ni à ses représentants, il serait alors malséant de croire à une quelconque opération de charité ou de bienfaisance. Le système n'étant pas le mécène qu'on veut nous faire croire et l'Algérien, cet assisté éternel qui attend le lever de soleil pour tendre la main.