Etonnant
comment d'un simple employé dans une petite entreprise publique implantée au
fin fond du pays jusqu'au sommet de la pyramide de l'Etat, personne ne se veut
responsable de rien chez nous. Comme si l'esprit du temps travaille, sans
cesse, à diluer toute culpabilité individuelle dans cette crise protéiforme qui
nous accable. Naît alors une sorte de culpabilité collective bien difficile à
cerner, comme on le constate de jour en jour, hélas ! Faut-il alors se résigner
à cette fuite du langage de la franchise ? Il est certain que, contrairement à
l'illusion dangereuse de plus en plus répandue dans notre société de la
normalité de «notre cas pathologique», la démission actuelle de nos élites est
un échec cuisant devant l'histoire de tous ceux qui, se substituant à la
volonté collective, volent pour ainsi dire, au peuple son action libératrice et
suscitent chez lui, au lieu d'une conscience combative, la gêne, le dégoût et
même une farouche tendance au fatalisme. C'est pourquoi, il faut élever au rang
du pari l'affirmation volontaire des réformes profondes qui, sans nos
sempiternels accents râleurs, pourrait dicter un nouvel espoir de changement
pour notre jeunesse. Mais le problème majeur qui se pose est le suivant : où se
ressourcer quand tout est à sec dans quasiment tous les secteurs ? La situation
du pays étant malsaine, ordinairement dissimulée par des discours épais en
démagogie mais creux quant à l'aspect sémantique et la charge émotionnelle
qu'ils véhiculent. De même, les symboles qui constituaient naguère le fonds
culturel dynamique du peuple sont vidés de leur substance et, si elle n'y prend
pas garde, l'Algérie aura à perdre davantage dans l'avenir suite à cette
régression tous azimuts, ce qui reste encore de son capital symbolique,
révolutionnaire, culturel ou même «tiersmondiste»
fut-il. Sur la corde raide, la nomenklatura fait face avec hésitation, il est
vrai, à des réalités inédites dans un contexte spécifique caractérisé par
l'instabilité régionale, la chute des cours du pétrole, la maladie du président
de la République et surtout une transition politique pas facile à assumer sans
crainte de tomber dans le désordre. Or, elle oublie que tout progrès a pour
rançon la douleur, la souffrance et le sacrifice. C'est une loi de l'histoire
humaine à laquelle tous les Algériens devraient, d'ailleurs, s'y conformer
aujourd'hui pour éviter d'être à la marge du concert des nations. En ce sens,
affronter les défis nationaux participe de la clairvoyance et de l'audace à
l'origine des grands actes fondateurs de l'histoire. D'où l'urgence de décréter
un «grand aggiornamento» de notre mode de pensée, nos mentalités, nos
comportements, nos actions de tous les jours, en les orientant vers une
synergie créatrice d'élans mobilisateurs. Bref, une sorte de redéfinition
profonde et scrupuleuse du logiciel de nos valeurs qui dépasse les contours
d'un simple tripotage insignifiant de notions et de termes. En clair, notre
peuple nécessite et mérite surtout, à présent, des valeurs sûres à même de lui
garantir un saut qualitatif dans l'avenir, le progrès, la modernité.