L'Algérien,
avant d'appartenir à la race humaine, descendant de l'arbre ou des montagnes,
c'est selon, est une statistique avant tout dans un pays de comptables. De
mauvais comptables, si ça se trouve, puisque les bilans de fin d'année
suggèrent quelques trous noirs que même Stephen Hawking
aura du mal à expliquer. Il est une statistique nationale, une suite de
chiffres impersonnelle, une donnée portée sur le cahier des doléances et
participe à l'élaboration des graphiques et autres courbes ascendantes,
descendantes et électrocardiogramme plat. En fin, il fait partie de ces figures
géométriques, sans qu'on lui demande son avis, que les responsables exhibent à
la télé pour faire taire notre incrédulité.
Avant
d'être un citoyen à part entière (même s'il en existe peu), il est un document
administratif, une archive nationale qu'on perd parfois dans les boîtes en
carton. Il est un nom, pour certains, avant d'être un prénom et, souvent, on a
tendance à confondre les deux dans les bureaux. Etre Algérien n'est pas une
sinécure, c'est un long chemin de croix à parcourir, à pied ou par Karsan pour les plus vernis. L'Algérien, c'est aussi une
bouche à fermer, un estomac à remplir et un bas-ventre à occuper. Il est une
denrée périssable, un fusible, un consommable dont la date de péremption est
inscrite au bas de son extrait de naissance, une marchandise au rabais.
L'Algérien est une masse compacte, une foule en transhumance, incapable de
s'individualiser, de mettre son clignotant et de se déporter à gauche pour
suivre sa propre voie. Il est un mais plusieurs quand ses semelles suivent le
troupeau. Il est l'instant Malakoff lorsque, de là-haut, des fenêtres de la
République, on le scrute avec les jumelles du ciel. Sa promotion est
horizontale et son avenir, une complexe équation mathématique donnée à résoudre
au littéraire de la classe. L'Algérien, c'est aussi cette légende surfaite, cet
ego démesuré et cette tendance à se croire au-dessus du panier. C'est un caractère
assisté à dessein, une réponse au bon sens et une insulte au bon goût. Voilà ce
qu'est un Algérien dans son pays ou ce qu'on veut qu'il croit. Une tache sur la
vitrine immaculée du magasin qu'on veut nettoyer mais qui ne part pas parce que
pugnace, résistant à l'eau de Javel. L'Algérien reste fier, altier, capable de
forcer les montagnes à se rencontrer pour faire mentir l'adage arabe.
L'Algérien, c'est tout ça, et beaucoup d'autres choses qu'on veut lui faire
oublier.