La vie dans le bled n'est pas très colorée ni dorée dans
son quotidien plein d'amertume. Le temps s'est arrêté et il a une couleur
mélancolique de journées endeuillées. Cela fait plus de deux décennies que la
platitude habite ce beau pays qui a perdu la tête. La monotonie a jeté son
dévolu et s'est emparée du triste sort du pays. Les murs de la ville sont noirs
et crasseux et n'ont pas été ravalés depuis le temps et les belles couleurs
vivantes et attirantes des murs de jadis ne sont qu'un lointain souvenir perdu
dans le passé heureux. Les arbres verts qui ombrageaient nos rues sont devenus
des troncs morts et demeurent toujours figés comme des sentinelles à la même
place. Les grands espaces verts se sont rétrécis pour devenir des placettes
sans charme et sans âme. Le chant des moineaux et des chardonnerets nous manque
dans ces moments tristes et troublants qui reviennent chaque saison. Les
oiseaux ne survolent plus nos quartiers comme avant et les gracieuses
hirondelles ne nichent plus sous les balcons comme avant. Même les oiseaux sont
privés de leur liberté et ils ont été enfermés dans les cages pour faire le
décor des demeures. Le pays est fermé à la plénitude. L'espoir s'est envolé et
toutes les issues de sorties de crise sont figées à cause de l'immobilisme. « Bledna khir me la Suède wel marikane », est une vision
délirante du système politique qui prétend, à travers des monstruosités, que
nous sommes mieux que les Etats-Unis et la Suède. C'est une aberration et les
auteurs devraient normalement être mis en examen? médical pour une telle
déclaration délirante. Wallah que c'est ridicule pour
un système qui a prêché depuis toujours une politique de servilité en utilisant
la langue de bois et en encourageant le coup de brosse comme instrument de
travail. C'est une honte pour le pays et ses citoyens qui ne savent rien faire
de leurs dix doigts. L'Algérie dispose d'infrastructures importantes sur tout
le territoire, comme des universités, des lycées, des centres d'apprentissage,
des instituts de recherche, des laboratoires, mais hélas, ce sont des
contenants vides sans contenus et sans élites réelles puisqu'elles ne sont même
pas capables de produire du simple arome pour faire du gazouze
pour le peuple. « El mendba k'bira,
wel meyete far ». (Les
lamentations sont grandes et la perte n'est qu'une souris), cette citation
proverbiale résume bien l'échec de ce système. Le pays reste insoucieux face à
la crise et vague selon le marché de l'import-import. Rien ne va plus et tout
marche de travers avec les vieux grincheux qui n'aiment pas la créativité
culturelle et qui n'ont rien retenu de la leçon de démocratie et d'alternance
politique depuis le temps. C'est la fin des haricots, les voyants sont au rouge
et la sonnette d'alarme est tirée, mais qui de droit ne bouge pas le petit
doigt. Le vrai bonheur n'est pas pour demain, et le bonheur tout court ne se
trouve pas seulement dans la distribution des logements sociaux, ou de la prise
en charge des soins à l'aide d'une carte Chifa
restreinte à certains produits pharmaceutiques seulement ou dans la subvention
des produits de première nécessité qui profitent surtout à une classe
particulière.
Enfin, le pays a la bougeotte et il crie déjà sa faim. Les
plus pessimistes prédisent que la misère se rapproche des foyers les plus fragiles.
Les cancans vont bon train, et c'est une récitation alarmante sans fin. On dit
que la fin justifie les moyens, alors, haro sur les biens mal acquis puisque
c'est l'époque bénie du ni vu ni connu. Les gens misérables que la faim de
l'esprit tiraille ont besoin de nourriture pour apaiser leur faim? de culture,
de justice et de dignité. C'est aussi la faim des minables qui, eux, aussi, ont
un besoin inassouvi d'enrichissement sans fin. La fin des haricots est proche,
parole du cuistot des pauvres bourriquots. La faim a fait sortir le loup du
bois, dit l'expression. Alors, « marhba be » les grèves pour réclamer du pain et de la dignité.
Finalement, comme on dit, toute chose a une fin dans ce pays injuste. Ceux qui
jouent aux plus fins vont être déçus à la fin. La production nationale du film
dramatique et burlesque tire à sa fin et nous laisse sur notre faim...