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Ghaza, le testament des morts

par Moncef Wafi

Poisson d'Avril, le sujet est tout trouvé pour une chronique légère, caustique et de circonstance. Mais le cœur n'y est pas parce que, quelque part dans le monde, des snipers embusqués tirent sur des civils palestiniens sans défense, près de la frontière entre Ghaza et la Palestine occupée. Comme à la foire au tir aux pigeons. Leur seul tort, participer à « la marche du retour ».

16 jeunes Palestiniens sont tombés sous les balles bénies du Temple de Salomon, et les assassins sionistes sont devenus des symboles de la démocratie juive.

Le ton n'est plus à la retenue et le verbe, aussi policé qu'il soit, trébuche sur ces portraits juvéniles, tombés au champ d'honneur. Leur sang mêlé aux larmes maternelles vont irriguer la terre des ancêtres, offerte en guise de soumission par la cupidité des rois arabes aux terroristes hébreux.

Netanyahu félicite les tueurs, portés au rang de héros nationaux, et les pouvoirs arabes continuent à cracher sur la gueule des victimes. La presse parle d'affrontements comme si jeter une pierre contre un mur valait une balle en plein cœur. Les médias étant ce qu'ils sont, il ne faut pas s'étonner de la manipulation basique de l'information. L'heure est grave pas parce que 16 Palestiniens sont morts, c'est parce qu'ils sont morts pour rien. Leur martyr restera dans la mémoire des leurs, puis la mémoire est vacillante comme les certitudes, et l'oubli s'installe car l'histoire ne peut-être écrite par les vaincus.

Certes, on peut la raconter au coin du feu, les longs soirs d'hiver, mais à la fin ce sont les vainqueurs qui rédigent les livres d'histoire. En vouloir à qui ? A personne en particulier. A tout le monde en général. Ce qui se passe à Ghaza, Gaza pour faire in, n'est surtout pas à incomber aux tribuns de notre époque, payés grassement pour répandre la bonne parole. Si les Palestiniens ne sont pas d'accord entre eux, alors pourquoi se soucier de leurs linceuls ? Ce qui fait encore mal, c'est ce silence en écho qui tourne en circuit fermé, que ni l'Occident ni les sables mouvants de l'arabité morbide ne veulent entendre.

On a connu ça en Algérie, la mort en léger différé, en hors eurovision, en mode privé en gros, où la peau d'un arabo-basané ne valait pas mieux que le fait divers d'un chien écrasé dans une résidence de vieux séniles en décrépitude. Mais là-bas, à la frontière entre la vie et la mort, on tire cyniquement sur des jeunes encore en vie et personne n'a le courage de dénoncer ces meurtres en live. Les mots sont parfois, ou souvent, inutiles, et ici ils n'ont aucune importance.