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L'abécédaire de nos malheurs

par Kamal Guerroua

Nos décideurs, parce qu'ils ne peuvent pas voir, ou parce qu'ils se bouchent les yeux pour ne pas voir, sont, paraît-il, enclins aujourd'hui à cultiver la cécité par rapport à la réalité sociale du pays, sinon à négliger, quand ils conçoivent les projets et les plans nationaux, non seulement ce que personne ne connaît, mais encore bien des réalités que tout le monde connaît.

Toutes les projections politiques ou économiques actuelles de la réalité sociale que se font nos responsables sont comme caricaturales, prises à la légère, avec très peu de lucidité et sans aucune dose du sérieux à même de leur donner une quelconque teinte de validité. Or, il est hors de doute que tout désir d'action a besoin, en premier lieu, de la clarté de vision, de réalisme, de compétence et de pragmatisme.

L'élite n'a point pour rôle de baigner dans ce marécage «intelloctocide» de la rente, en échafaudant des rêves solitaires et dédaigneux des vœux de la masse et en dénigrant par un pessimisme simplificateur toute velléité ou initiative pour le changement, mais d'agir au quotidien. Autrement dit, agir d'abord en dialoguant, en communiquant et en parlant régulièrement avec ceux d'en bas. Ensuite, tisser un lien de connivence permanent avec eux pour apaiser toutes les tensions possibles. L'absence de dialogue équivaut forcément à la montée des colères, à la surenchère, à la démesure, à l'anarchie. Car, comme le dit bien un célèbre proverbe, «quand le seul outil connu est un marteau, toute solution est considérée comme un clou».

Notre mal vient de là ! De notre entêtement à avoir raison, à ne pas tendre l'oreille à l'autre, à le mépriser. Mais pourquoi, pardi, on privilégie toujours l'usage de la force en Algérie pour la résolution des conflits sociaux ou politiques ? De quel droit dispose-t-on, par exemple, pour frapper un médecin sorti revendiquer pacifiquement ses droits ? Est-il logique de bastonner et d'humilier la crème de notre société et d'espérer en même temps que la situation du pays s'améliore ?

On dirait que notre déraison nous a fait accepter, au fil du temps, l'inacceptable ! Or, il nous est, à présent, primordial de nous armer d'une seule certitude : nous devons changer, nous élever un peu plus haut, au-dessus des passions et des polémiques du moment pour que nous puissions asseoir la nation sur des bases morales solides, avancer.