La rougeole
tue en Algérie comme presque tout. Le froid, le mauvais sang, l'incompétence,
le laisser-aller et les mines françaises, entre autres raisons de trépas.
L'Algérien s'est découvert une vulnérabilité chronique propre aux pays du
quart-monde et s'ingénie à faire de son quotidien un parcours du combattant
digne des spetsnaz. Les cas de
Ouargla, d'El Oued et maintenant de Hassi
Messaoud sont peut-être les malheureuses victimes d'une campagne de dénigrement
contre le programme de vaccination de l'an dernier concernant la rougeole et la
rubéole. Un boycott et des conséquences, toutes proportions gardées, qui
expliquent en grande partie cette défiance populaire de tout ce qui vient de
derrière les fenêtres fermées de la capitale. Doit-on pour autant blâmer ces
parents d'élèves d'avoir craint pour la sécurité de leurs enfants face à
l'acharnement médiatique d'une certaine presse de caniveau ? Malgré tous les
discours lénifiants, le mal était fait et la décision des parents, de ne pas
envoyer leurs enfants se faire piquer, déjà prise. L'Algérien est par nature
sceptique, méfiant, atavisme d'un siècle de nomadisme, mais quand la raison est
là et qu'il est encouragé par des paramètres exogènes, alors il entre carrément
en rébellion contre le fait accompli. L'année dernière, la campagne de
vaccination a été boudée, aujourd'hui, on meurt de la rougeole. L'épidémie
avance dans le désert et finira par arriver au Nord. Qu'il en soit ainsi mais
la morale de l'histoire, si morale il y a, est qu'on ne récolte que ce qu'on
sème, une pertinence philosophique de deux balles qui renvoie tout le monde à
la case de culpabilité. Le peuple est victime de l'Etat, le pays est coupable
de son peuple et la transition dans la peur semble être le seul vecteur de
communication verticale existant dans ce pays alors que les canaux horizontaux
appartiennent aux seuls navigateurs de l'extrême. Voguer pour sauver sa peau,
ou ce qu'il en reste. Cette supercherie dans les postures, alternant les
statuts et mutant au gré des révolutions murmurées de l'autre rive, révèle le
fragile équilibre du cosmos réduit dans une inconfortable et exiguë mémoire
collective. Cette duplicité, même dans le faux-semblant, contribue également
dans le travestissement des codes rendant par-là nulle et non avenue toute
campagne de vaccination. Quel que soit le virus inoculé. Et dans un pays où on
vous répond par l'indifférence, il vaut mieux relever la manche et offrir son
bras. A qui de droit.