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Transition difficile

par Moncef Wafi

Tous les observateurs avertis ou de passage vous le diront : l'Algérie est en train de vivre une période de transition difficile, annonciatrice de grands bouleversements. La capitale quadrillée, la police partout et les libertés encore plus rognées chaque jour. Le sentiment que quelque chose de dramatique va advenir est chevillé au corps et cette pesanteur exacerbe les tensions déjà palpables au quotidien. Cette culture de la peur, savamment entretenue, sous-tend une stratégie de la terreur qui pousse sciemment au pourrissement et où la moindre contestation socioprofessionnelle prend de dangereuses proportions d'escalades. Cette situation d'instabilité chronique, faite de décisions prises à la hussarde et de rétropédalages hasardeux, dont seul le pouvoir algérien a le secret, s'inscrit dans la perspective tant redoutée de la succession. En résumé, l'Algérie ne vit plus depuis trois ans, elle attend simplement l'année prochaine en priant qu'on y arrive sans trop de dégâts collatéraux. L'enjeu étant de préserver des acquis colossaux ou de garantir une immunité à toute épreuve si le vent venait à tourner. Les clans ont beaucoup d'intérêt en jeu et trop de privilèges à perdre, d'où cette impression sourde que quelque chose se trame sur le dos du pays. Il n'est un secret pour personne que le premier et le dernier à payer la facture sont les fils du peuple, ceux qui n'ont qu'un seul passeport dans la poche et zéro euro sur leur compte. Ceux dont la nationalité se confond avec la peau et le patrimoine dans les gènes. Ceux qui parlent la langue de la terre et habitent l'Algérie des pauvres. Les grèves qui ont touché successivement la santé et l'éducation ont ce côté symbolique d'une déliquescence des institutions qui finit par jeter à la rue des milliers de personnes dont le présent est hypothéqué. Il aurait été plus judicieux, plus «bonne gouvernance» de nous faire l'économie de tout ce temps perdu pour les Algériens d'en bas. Quand l'hôpital est paralysé, c'est le fils du pauvre qui souffre. Quand l'école est fermée, c'est toujours le fils du pauvre qui est pénalisé. Les autres, ceux d'en haut se soignent à l'étranger et leurs enfants sont inscrits dans les écoles de là-bas. Alors, pourquoi va-t-on se soucier de nos cadavres ?