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Un Etat de droit se construit sur le dialogue

par Kamal Guerroua

De toutes les infirmités humaines, écrit Paul Léautaud (1872-1956), la plus triste c'est le sommeil de l'esprit.

Quand une nation ne tente pas de réfléchir sur son destin, elle perd justement cet «esprit de questionnement», et se laisse facilement, entraîner dans la boue de l'inertie et du fatalisme. Qui plus est, elle se délite, elle se suicide, elle se meurt... C'est la loi de l'existence ! En opposant la matraque aux médecins sortis revendiquer leurs droits, nos officiels confirment ce triste constat, hélas ! Ils confirment, surtout, qu'aucune place n'est réservée en Algérie, à la parole et au dialogue. Que tout se résout par la force et la violence ! Maintenant la question qui se pose est la suivante : qui va nous inventer, aujourd'hui, le laxatif à même de nous guérir de cette constipation dont pâtissent nos cerveaux ? Nous qui sommes coincés entre piètre gouvernance et défaitisme. Qui peut nous introduire dans le ranch du fol espoir ? Qui peut nous désembourber de cette crise de valeurs sans précédent, et contredire Cassandre qui nous prédit anarchie, anémie et, qu'à Dieu ne plaise, déchirements de guerre civile ? Le pionnier et théoricien américain du «Soft Power», Joseph Nye, soutient que la réussite d'un Etat quelconque tient, par beaucoup d'aspects, à «une chimie sociétale», comme celle qui s'établit dans une relation d'amour en couple. Il explique notamment que, pour durer, chaque liaison sentimentale devrait inventer, en principe, une mystérieuse «physique de l'attraction». Autrement dit, une dose de souplesse, de malléabilité, de douceur, de réciprocité qui fait que le centre du pouvoir ne se retrouvera jamais du côté du plus fort mais se négocie et se dissout dans un courant alternatif équilibré entre les partenaires. En termes plus clairs : «partager le pouvoir». Ce qui suppose laisser de côté son amour-propre, ses calculs froids et son orgueil pour écouter l'autre, prendre soin de lui, le comprendre et l'accepter tel qu'il est. C'est, indubitablement, la manière la plus rapide, la plus simple, la plus efficace de parvenir, sans encombre, aux objectifs que l'on désire. Appliquons cela, maintenant, à cette Algérie percluse de 2018. Donnons plus d'attention aux syndicats, écoutons les doléances de nos médecins, nos ingénieurs, nos écrivains, nos professeurs, etc., et nouons un solide contact avec eux. Sûrement, ce dialogue étant le seul susceptible d'apaiser les tensions de la société, et renforcer sa confiance en ses gouvernants. Une maturation féconde qui nous fera comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ce qui donne des résultats et ce qui n'en donne pas, ce qui est rentable pour la société et ce qui ne l'est pas, ce qui menace la pays et ce qui peut le sauver, ce qui booste l'économie et ce qui la tire vers le bas, ce qui réjouit le peuple et ce qui l'accable, etc. Bref, c'est la voie vers le salut en ces temps de malaise et d'incertitude.