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Quelle école pour demain?

par Kamal Guerroua

Oserions-nous enfin avouer, en toute franchise, les vraies raisons de l'échec de notre école, qui, pour l'essentiel, ne viennent pas automatiquement de l'école elle-même, mais de plein d'autres facteurs extérieurs? Comment aider, par exemple, les enseignants à faire en sorte que leurs élèves réussissent mieux? Il est clair qu'aujourd'hui notre système éducatif reste très défectueux à plus d'un titre. Il se heurte à des difficultés et à des obstacles inédits, longtemps escamotés ou déniés par manque de courage politique ou simplement par démagogie. Ainsi, nos élèves ne maîtrisent ni les compétences élémentaires en matière de lecture et d'écriture ni n'acquièrent le bagage culturel nécessaire qui leur permettrait de réussir normalement leur scolarité. Les causes sont multiples à vrai dire : partout, nos enseignants se plaignent de la surcharge et de la massification des classes, des incivilités, de la violence, du manque flagrant de moyens mis à leur disposition pour accomplir convenablement leur mission, de l'indifférence généralisée des responsables à leurs doléances, de l'hétérogénéité des contenus pédagogiques sans prise avec la réalité quotidienne, de l'inadéquation des programmes scolaires actuels à la marche du monde moderne, etc., ce qui fait que les élèves soient peu motivés aux cours et à l'étude. Fermer les yeux sur toutes ces défaillances-là n'est-il pas un oubli de l'objectif fondamental d'une réforme éducative digne de ce nom, à savoir : redresser, voire élever le niveau scolaire au-dessus de la moyenne, et former le citoyen ainsi que le cadre de demain? S'ajoute aussi ce phénomène de l'illettrisme qui sévit sérieusement dans notre école. Ce qui condamne d'emblée à l'échec tout le processus d'études menant jusqu'au stade universitaire, et même après. De nos jours, personne ne peut nier le fait que nos universités ne sont que le réceptacle de «cette médiocrité structurelle» de l'école si l'on ose la décrire ainsi. C'est pourquoi revaloriser l'image de l'école et de la science dans la cité est plus qu'impératif afin de boucher les trous d'où rentre cet air putride du pessimisme sociétal qui cause violence et déperdition scolaire. Si on lutte efficacement contre l'illettrisme, les élèves renoueront avec la curiosité, le goût d'apprendre, l'efficacité, la réussite, etc. Ce qui pourrait endiguer «cette hostilité pathologique» envers l'école qu'auraient généré à la fois l'échec scolaire et l'absence de perspectives d'emploi pour les diplômés. A ce titre, les initiatives de la diffusion de la culture scientifique doivent être encouragées, avec comme mission concomitante, l'obligation de la participation active des artistes, des écrivains, des créateurs de tout bord. Bref, ce que j'appelle personnellement «la kermesse culturelle» ouverte sur la société civile, le monde, la modernité. Une chose est sûre en fin de compte, ces drôles de réformes sans visée lointaine dont on nous rebat les oreilles semblent réactualiser «le mythe de Frankenstein» et l'apprenti sorcier, c'est-à-dire cette créature monstrueuse qui échappe à son créateur et menace de le détruire. En d'autres termes, l'école algérienne d'aujourd'hui menace de nous détruire, au lieu de nous donner cet espoir de la renaissance, de l'évolution et du progrès. D'où la nécessité de revoir les choses de fond en comble pour le bien des générations montantes et du pays.