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La honte !

par Ahmed Farrah

Les photos des médecins ensanglantés, partagées sur les réseaux sociaux et que le monde entier regarde, reflètent la violence intrinsèque de ceux qui ne connaissent que ce type de langage pour régler les problèmes qui se posent à eux. Ils vivent dans leur bulle, aveuglés par l'autisme, ils ne voient rien venir. Leur comportement ne diffère en rien de ceux qui brûlent les pneus et coupent les routes pour protester contre les injustices réelles ou ressenties. La violence semble être la seule expression que connaît l'Algérien pour se faire entendre ou se faire obéir. Cette violence a déjà causé en Algérie une des plus grandes tragédies qu'a connues le monde à la fin du XXe siècle. Des milliers de morts, des centaines de disparus et une fracture qui reste encore béante dans l'esprit de beaucoup d'Algériens. Si hier la majorité du peuple s'était mise du côté des policiers pour les soutenir et compatir avec eux dans la lutte contre le terrorisme, les images de mercredi ont largement entamé ce crédit et ont été dénoncées par la population qui ne comprend pas comment celui qui est censé la protéger puisse agir de la sorte contre une élite qui travaille dur pour pouvoir la soigner. Tout le monde sait que la crème de l'école poursuit ses études dans les facultés de médecine mais peu savent qu'après 12 ans d'études rudes et exténuantes, les médecins spécialistes hospitaliers travaillent pour un petit salaire dans les conditions que tout le monde connaît - Insalubrité, manque de moyens, surcharge de travail, violence, conditions de vie difficile et un service civil ressenti inéquitable, imposé exclusivement à cette catégorie d'universitaires. Tout cela pèse dans la décision d'un certain nombre d'hospitalo-universitaires de quitter le pays pour trouver de meilleures conditions de vie soit en Europe soit en Amérique du nord, là où beaucoup ont déjà réussi par leur compétence et leur mérite. Il ne faut pas les pointer du doigt parce que s'ils ont trouvé ce à quoi ils avaient aspiré, ils ne se seraient pas expatriés et déracinés. A vrai dire, ils ne sont pas les seuls à vouloir quitter le pays qu'ils ne reconnaissent plus. Un pan entier d'Algériens se projette dans cette éventualité. Des jeunes et moins jeunes sont poussés par le désarroi et la détresse quotidienne, quittent le pays au risque de leur vie et aux dépens de ce qu'ils ont construit ici.

Certains de ceux qui réussissent à rejoindre l'autre rive se font refouler par bateau depuis l'Espagne, d'autres croupissent dans des camps de concentration d'immigrants indésirables, mais ceux qui ont eu la chance de passer chercheront l'Eden de leur rêve. En tout cas les nantis l'ont déjà réalisé. Ils sont devenus immensément riches en un tour de piste. Sans avoir été à l'université et sans avoir lu Molière, Goethe ou Cervantès. Ceux-là résident en France, le pays de leurs amours retrouvés. Ils ont des comptes bancaires en Suisse, le pays des montres qui leur a appris la ponctualité dont ils sont fiers de le rappeler aux autres.

Leurs enfants sont chez eux à Barcelone pour regarder jouer Messi au Camp Nou? Tout le monde veut quitter ce pays en qui une petite minorité y croit encore. Celle-là n'a pas honte de faire confiance à ses enfants médecins, même si ce n'est plus l'époque d'Hippocrate dans un monde d'hypocrites.