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Si
on laisse, en ce début 2018, traîner des oreilles indiscrètes dans l'Algérie
profonde et qu'on écoute ce qui se dit entre deux verres dans les cafés ou dans
les rues et les marchés, on arrive facilement à la conclusion que le pays est
peuplé de 40 millions d'âmes solitaires, électrons libres livrés à eux-mêmes,
qui n'ont aucun projet de vie en commun, qui rêvent tous de fuir cette Algérie
percluse, maladive, quasi moribonde et qui ne se voient aucun avenir dans leur
propre patrie. Les Algériens sont-ils, à ce point, incapables d'amour pour leur
pays ? Ou prennent-ils seulement un malin plaisir à s'auto-dénigrer pour se
donner une contenance et esquiver les rares solutions qui se présentent à eux ?
Comme si rien de bon ne pouvait les faire sortir de ce monstre de la crise ? Ou
bien encore, comme s'ils ont besoin d'une gigantesque psychanalyse collective
ou d'un grand asile psychiatrique de charité publique ? C'est terrible ! Tout
le monde se sent et se dit victime du «Système», et tout le monde en profite en
même temps ! Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'on soit devenus comme ça, purée
? Sommes-nous tous des déficients mentaux chroniques ?
Sommes-nous colonisés mentalement? Sommes-nous
incapables de gérer 48 wilayas? Si ce n'était pas
vraiment le cas, où est le problème alors ? Pourquoi ce déracinement
patriotique profond des miens et cette perte cruelle d'attachement à leur terre
? La vérité, me dit un habitant de la Casbah, est douloureuse mais jamais
destructrice. Or, les nôtres fuient la vérité et dès que quelqu'un la leur fait
rappeler, ils lui tombent dessus, en répétant jusqu'à l'ivresse des slogans
creux comme celui de «One two three,
viva l'Algérie!». Pourquoi
tout ça ? Pourquoi ce gâchis ? Tous les signes montrent que depuis des années
la dynamique frustrante du pessimisme marque le pas dans les esprits. Si l'on
veut réformer, il est inutile de se voiler la face : nos faiblesses sont dans
nos cerveaux. Réformons alors nos cerveaux, purée ! Au boulot ! Vite ! Quel
piège mon Dieu ! On est coincés dedans et on n'a plus envie d'avancer. Si la
question des causes mérite réflexion, celle des effets est, à tout le moins,
incontestable : tout le monde accuse tout le monde de ce que tout le monde
aurait causé à tout le monde. Trop philosophique pour qu'il soit compris par un
non-Algérien! Dilemme que, peut-être, seul le journal
satirique El-Manchar est en mesure de résoudre. Or,
c'est simple : notre problème est en nous-mêmes. Imaginons maintenant que 40
millions de Japonais vont remplacer ces 40 millions d'Algériens, avec les mêmes
impasses actuelles et, de surcroît, sous une condition : exploiter uniquement
les plaines de Tiaret et de Relizane, sans aucun
accès au pétrole ni aux richesses du sous-sol du Sahara. Sans l'ombre d'un
doute, une nouvelle ère s'enclenchera tout de suite et les fruits des efforts
du peuple nippon, actif et optimiste, ne tarderont pas à voir le jour.
Autrement dit, dans moins de 20 ans, l'Algérie sera un paradis sur terre ! Cherchez l'erreur? Inévitablement en nous ! Il ne s'agit nullement pour nous de s'installer dans la perspective d'une quelconque «restauration» passéiste, ou de compter sur une rente éphémère mais de regarder le présent avec des yeux lucides et impartiaux. De croire que le destin se construit chez nous, que les choses bougeraient si on bougeait, que personne ne nous construira notre maison si on ne la construit pas nous-mêmes ! Retroussons nos manches et défrichons nos cerveaux alors ! |