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L'armée électorale

par Moncef Wafi

L'évolution est toujours en marche perpétuelle comme la gangrène de la corruption qui vous mange le corps de tout un pays. Les Algériens en sont la parfaite illustration puisqu'ils n'arrêtent pas d'évoluer, même à contrecœur et en marche arrière. De gros mangeurs de pain, ils se retrouvent, augmentation de tout oblige, contraints de s'adapter au régime européen. Une baguette de pain pour quatre ventres voraces, c'est ça où se ruiner pour le pétrin. On pourra toujours se sustenter avec de la viande, de la volaille ou du poisson pour les plus pauvres. D'adeptes de déplacement en voiture même pour aller à l'épicier du coin, ils devront changer de mode de locomotion et compter plus souvent sur le 11 pour se mouvoir. Le prix du carburant étant devenu ce qu'il est, le plein du réservoir devient stratégique dans le plan de charge familial. Le choix cornélien entre un plein à mille dinars et plus et un couffin de provision à moitié plein s'impose. Les Algériens redécouvrent la posture première de l'homo sapiens et réinventent l'âge de la pierre où comment mourir de froid dans un pays exportateur de gaz naturel. D'évolution en évolution, l'Algérien est entré dans une spirale de régression, chassé de son confort socialiste et de citoyen assisté par la mauvaise gouvernance de ces dernières années. La chute des prix du pétrole n'étant que l'accélérateur de l'incendie, la gestion anarchique de l'argent public, la rapine, la corruption et le clientélisme ont poussé les derniers Algériens, de la fameuse classe moyenne des eighties, vers le fond des poubelles. L'évolution les a rattrapés, les ajoutant aux statistiques nationales sur la misère, en multipliant par un milliard les couffins du ramadhan. L'évolution à l'algérienne a fait un bond de cinquante ans au pays, privatisant les terres et distribuant le foncier aux amis proches.

Le patrimoine public a été désossé dans le garage d'une mafia politico-financière qui a fini par faire la peau à tous ceux qui voulaient la combattre. L'évolution, selon Darwin, repose sur la «variation» au sein des espèces et sur la sélection des individus. Tous les membres d'une même espèce diffèrent les uns des autres par des «variations» de taille, de couleur, de résistance aux maladies ou de comportement. Certains individus survivent et se reproduisent, d'autres non. Cette sélection naturelle trouve toute son explication en Algérie où la majorité des individus, moins armés que l'élite capitaliste, est appelée à disparaître en mer Méditerranée. Alors, elle n'est pas belle la vie comme casse-croûte pour la poiscaille !