Tous les
jeunes et même les moins jeunes souhaitent prendre le grand large pour
débarquer du côté de l'Eldorado pour vivre et voir du monde. Ici, c'est à la
mode de prendre son envol et de partir ailleurs, vers d'autres horizons plus
considérants. Que l'on soit aisé ou non, les gens ont envie de s'éclipser et de
changer d'air. Il paraît que la vie est plus claire de l'autre côté de la mer
et plus captivante pour ceux qui veulent s'aérer. Tout le monde désire s'en
aller pour goûter et profiter de la vie et de la démocratie. Les « déguerpissants » sont convaincus qu'ils y trouveront le
meilleur et le bonheur qui leur manque ici depuis le temps. Remarque, chacun de
nous est d'accord que là-bas, c'est mieux qu'ici pour réussir sa destinée.
Chacun de nous est persuadé qu'il y a plus de chance de parvenir à l'autre rive
que de croupir ici et d'attendre l'impossible, affirment tous les candidats qui
veulent se tirer du pays. Les gens ont envie de s'éloigner et de respirer de
l'air pur et sûr. Les voyages forment la jeunesse, dit-on, alors, voyageons
pour atteindre le bien-être qui nous manque dans ce pays. Ulysse l'a fait,
alors, pourquoi pas nous ? Entre notre pays et leur pays, il y a une vieille
histoire qui ne finit pas de faire couler de l'encre, et c'est pour cela que ça
ne va pas. Il ne faut pas se mentir, tout le monde est sur la même longueur
d'ondes et tous aimeraient bien avoir un pied ici et un autre là-bas. Chez les
roumis, le temps c'est de l'argent, et le travail est une nécessité qui fait la
dignité. Si on souhaite tous changer d'air, c'est pour vivre « labess », et pour profiter d'un bon train de vie et assurer
ses arrières. En Occident, les pays sont stables et ouverts et on peut espérer
tout faire quand on est un brillant et audacieux bosseur. Chez nous, le pays
est immense et plein de richesses, mais très fermé et sans issue pour les
entreprenants. Pour réussir, il faut sortir de ce territoire fermé. Les
menteurs et ceux qui ne savent rien faire de leurs dix doigts nous rendent la
vie ici très difficile. La grande traversée pour aller là-bas est un choix
mûrement réfléchi, pour fuir le déni et vivre dans le respect. Même les vieux
retraités, qui ont fait leurs carrières ici dans le bled, désirent partir
d'ici, sûrement pour se soigner et mourir seul dans un coin serein. Les jeunes,
quand ils se sentent frustrés, manifestent leur colère en disant : « Rouh, maneguoudche h'na fi bled koum » ! (Je veux
partir, je ne veux pas vivre dans votre pays), et deviennent de potentiels harraga qui n'attendent que le moment propice pour regagner
rapidement l'autre rive.