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La mort et l'ignorant

par Hamid Dahmani

Il y avait du monde et de l'émotion ce jour-là devant le domicile mortuaire d'un voisin qui venait tout juste de s'éteindre de mort naturelle. De petits groupes de personnes s'étaient déjà formés devant la maison endeuillée pour exprimer leur tristesse et leur soutien. Les gens affluaient à pied ou en voiture en apprenant la perte de ce brave homme qui a jeté l'émoi parmi ses proches.

En attendant l'enterrement de la dépouille et en ces moments douloureux, les présents n'arrêtaient pas d'affluer et de présenter leurs condoléances suivies d'accolades aux membres de la famille affectée par ce deuil. Le défunt était un quinquagénaire très apprécié et plein de vie et qui dégageait une grande vitalité de son vivant. On parlait déjà dans le passé de lui dans les petits groupes qui se sont constitués devant sa demeure. C'est étonnant, chuchotaient certains compatissants, aucun signe d'agonie ne présageait qu'il allait disparaître aujourd'hui. «Quel malheur !». Ses amis et ses voisins, très émus, ne s'attendaient pas à une telle nouvelle qui les a secoués. Ils n'arrêtaient pas de rabâcher que le pauvre disparu était en bonne santé avant ce jour fatal. Tous les présents avaient une tête d'enterrement et ne causaient que du décès qui avait emporté définitivement ce père de famille tranquille. Chacun se posait les mêmes questions «bech mete ?» (De quoi est-il mort). Il est parti à la fleur de l'âge. Qu'es-ce qu'il avait comme maladie ? Comment est-il mort ? Pourtant il paraissait en bonne santé ? «Kane yechrob d'wa ? (Es-ce qu'il prenait des médicaments). Je ne peux pas croire que cela soit vrai, je l'ai croisé ce matin on s'est dit bonjour et il ne semblait pas être malade, on a même pris des cafés ensemble comme d'habitude, affirmait son meilleur ami. Cette triste nouvelle a complètement bouleversé les esprits de son entourage. Les gens n'arrêtaient pas de se poser des questions sur le mystère de cette mort subite qui les a tous émotionnés. Toute la discussion ne tournait qu'autour du sujet de la mort. C'était un homme solide et il ne paraissait pas être mourant et il n'avait aucun signe sur le visage pour le grand départ, répétaient ceux qui ne voulaient pas croire à sa mort. Un vieux qui était là, adossé au mur et fatigué d'entendre toutes ces inepties, s'adressa à ceux qui s'interrogeaient sur cette mort et qui posaient des questions stupides, il leur dit d'une voix sage : «revenez à Allah les enfants ! Ki dji sâa» (quand l'heure viendra) personne ne l'arrêtera, et la mort emportera celui ou celle qui a terminé son temps. La mort rôde chaque jour, et on ne peut pas échapper à la mort même en bouffant un toubib et une pharmacie entière. La mort ne fait pas de distinction, et on ne peut acheter sa clémence avec de l'argent. Elle vous tombe comme çà en plein sur le paletot sans fixer de préavis quand votre heure à sonné. Elle ne renoncera jamais à prendre son dû. L'homme est un mortel et il disparaîtra un jour par la maladie, par accident, ou par la vieillesse. «Arrêtez de vous poser des questions idiotes, je vous entends depuis tout à l'heure en train de vous questionner sur la mort qui a emporté ce malheureux, comme s'il n'y avait pas une fin de vie. «Comment se fait-il qu'il soit mort ? Quelle maladie l'a emportée ? Pourtant ce matin je l'ai croisé. Je ne peux pas croire pas à sa mort». Tout cela n'est que de l'illusion et on ne peut pas échapper à la mort, un jour ou l'autre. La mort est une et les façons de mourir sont plusieurs, a dit le vieux. Au lieu de vous intriguer dans ces moments de peine, il est plus judicieux d'évoquer sa mémoire dans ses moments douloureux, et de ne pas l'oublier et d'invoquer Dieu par des prières pour qu'il l'accueille dans son vaste paradis. Aussi, mes enfants, vivez et profitez de la vie honnêtement et surtout travaillez pour la maison de l'au-delà. Car, un jour ou l'autre, notre tour viendra et ce sera l'un de nous qui partira, comme c'est le cas d'aujourd'hui?