Voilà, le
gouvernement a été renvoyé refaire ses classes. Une lutte (de classes) au plus
haut sommet de l'Etat. C'est la désillusion, autant pour le capitaine d'équipe,
que pour le «team». C'est du moins cette impression et cette image qu'on
perçoit depuis quelques jours de luttes d'ombres chinoises, comme dans ces
polars américains des années 50-60. ?'Cramer contre Cramer», «bluff contre
bluff''. Les Algériens assistent ainsi médusés, étonnés, interloqués, à une
sorte de bras de fer entre clans proches du pouvoir. Sinon comment interpréter
les derniers événements d'un pathétique Vaudeville au sommet de l'Etat. Il y a
un Premier ministre qui veut serrer la ceinture jusqu'à faire ?'péter'' le
commerce extérieur, et un pouvoir occulte qui n'est pas de cet avis.
Officieusement, puisque cette ?'instruction'' n'a jamais été diffusée par les
canaux officiels, c'est le président Bouteflika qui tape sur les doigts de son
Premier ministre, et lui fait faire des punitions : ?'je dois libérer les
marchandises bloquées aux ports et arrêter de privilégier les chantiers de
l'AADL, des LSP et de l'habitat''. Comme quoi, notre Premier ministre ne s'est
pas encore élevé à sa nouvelle fonction, et reste encore dans sa tête ministre
du logement. Dès lors, c'est le premier camp, celui qui a été rabroué par le
Premier ministre lors d'une cérémonie officielle, qui gagne la seconde manche
de ce feuilleton bien bizarre de l'été 2017. Cela donne terriblement
l'impression de déjà vu aux Algériens, comme cette
maxime populaire de ??hout yakoul
hout'' (les gros poissons mangent les plus petits).
Une triste image, hélas !, que donne notre pays, vu de l'extérieur. Et ce qui
se passe au sommet de l'Etat n'est que la triste réalité dans les bas-fonds de
la société algérienne, comme un encouragement à tous les excès. Au marché des fruits et légumes, des commerçants vendent souvent au
prix fort une marchandise à moitié avariée, l'épicier du coin arnaque ses
clients, l'administrateur ne donne pas des documents sans se faire graisser la
patte, le receveur du bus oublie parfois de rendre la monnaie, et tout ce beau
monde assiste en spectateur des pugilats auxquels se livrent par intermittence
les milieux proches du pouvoir, ceux des grosses affaires, des grosses
combines, ceux qui mangent progressivement, sous le fallacieux prétexte de construire
un centre commercial ou un immeuble en copropriété, les anciens parcs urbains,
les petits massifs forestiers des grandes villes du pays. Alger, Oran,
Annaba, Constantine, Sétif, Skikda, Jijel, Blida, n'en finissent pas ainsi de
mourir d'asphyxie, coupées à ras de leurs pinèdes, platanes ou de chênes, par
des ratiboiseurs sans scrupules, qui ne savent pas
comment vivre sous l'ombre d'un platane, d'un mûrier plusieurs fois centenaire,
d'un pin parasol, d'un grenadier. Alors, par ignorance, ils coupent tout pour
leur béton barbare, difforme. Ce qui, pour un Algérien ?'normalisé'', renvoie
cette hideuse image d'un pays qui se fait chaque jour un peu plus hara-kiri.
Car donner la vie, donner l'exemple d'un pays qui vit et qui respire, qui
grandit et s'émancipe, n'est pas ?'la tasse de thé'', pour le moment, de tout
ce qui entoure, et fait parfois partie, comme une seconde nature, de ce que
l'on appelle, dans les cafés des quartiers populaires des villes, et dans les
villages endormis de l'arrière-pays, la nomenklatura. L'Algérie ne s'étant pas
affranchie définitivement, par convenance politique, du socialisme, et n'étant
pas encore un pays émergent, ?'capitaliste», mais toujours, 50 ans après
l'indépendance, un PVD, elle reste ainsi une curiosité historique, politique,
économique, culturelle, sociale.