Les feux de
forêt, qui ont ravagé des milliers d'hectares depuis le début du mois de juin
dernier, et particulièrement ces deux dernières semaines, sont donc en partie
d'origine criminelle. Le point de presse donné dimanche par le directeur
général des forêts (DGF), envoyé au casse-pipe pour rompre un silence
inquiétant pour aussi vague qu'il soit, sur les responsabilités avérées ou
supposées de ces incendies, a néanmoins pointé du doigt les fabricants de
charbon, comme potentielle piste explicative de certains départs de feux. Soit
! Les Algériens savent, depuis que le charbon de bois existe, c'est-à-dire
depuis des millénaires, que l'on fabrique ce matériau de chauffage à partir
notamment du bois de caroube et de certaines essences sylvestres, comme le pin.
Le procédé est simple: couper du bois, l'enfuir sous
terre, l'allumer, puis recouvrer le tout sous une tôle en fer, et ensuite
boucher avec de la terre, et laisser brûler à l'étouffée, avec seulement la
fumée qui sort de l'excavation. Alors, des questions se posent, et que le DGF
n'a pas évoquées: comment des fabricants de bois de
charbon, avec toute cette fumée qui est dégagée, n'ont pas été aperçus par les
préposés aux postes de vigie, qui surveillent les éventuels départs de feu dans
chaque massif forestier du pays? Des questions qui relancent, pour les
Algériens qui habitent près des forêts et d'où ils tirent leur subsistance,
toute la prise en charge par les services des forêts de ce fléau que sont les
incendies de forêt. Car la situation est devenue grave, et empire d'année en
année, avec l'absence d'entretien des forêts, les appétits mercantiles de
certains exploitants forestiers agréés par l'Etat et, surtout, l'absence d'une
stratégie claire de lutte et de prévention des feux de forêt. En fait, ce qui
intéresse et tient à cœur, c'est d'en finir une fois pour toutes avec ce
laisser-aller qui, chaque année, perturbe leur quiétude, les incommode avec de
fortes chaleurs, et fait perdre aux pays une richesse inestimable:
une arboriculture rustique comme les amandiers ou les pistachiers, et des
plantations fruitières, et la perte, en fumée, de dizaines d'années de dur
labeur. Alors, pour tout cela, la conférence de presse du DGF de dimanche n'a
pas été à la hauteur des attentes des citoyens, qui pensaient qu'ils allaient
avoir des explications franches, détaillées et sans détour de ce qui se passe,
chaque été, dans les forêts du pays. Car, tous les départs de feu ne peuvent
être imputés à des ?'mangeurs de forêts'', autant les fabricants de charbon de
chauffage que ceux de l'huile de cade, ceux- là étant très actifs dans les
massifs des Aurès. Il y a d'autres raisons plus ?'terre à terre'' que le DGF
n'a pas fournies, car il y a surtout une grande débandade dans ce secteur, avec
peu de projets de DRS (défense-restauration des sols), d'ouverture de nouvelles
pistes pare-feux ou l'entretien de celles existantes,
de points d'eau et de vigies forestières. Incriminer la responsabilité humaine,
c'est également fuir ses responsabilités, à ceux qui souffrent, à quelque degré
que ce soit, chaque année de ce fléau, sur les vraies raisons qui font que nos
forêts crament complètement avant que ?'la cavalerie'' n'arrive.