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Des bateaux et des CKD

par Mahdi Boukhalfa

Voilà le temps des arnaques en tous genres ! Bien sûr, l'Algérien ?'tout le monde'' en est au centre. On se rappelle ce cri effarouché du gouvernement sortant de Sellal lorsque les Algériens ont découvert avec stupeur que certains pseudo-constructeurs de voitures étaient plus des prestidigitateurs, avec leurs tours de passe-passe, que de vrais fabricants de voitures. Il y avait même un de ces ?'monteurs'' qui importait tout simplement les voitures en deux ou trois ?'kits'', et assemblait le tout en Algérie, et souvent faisait seulement le montage des roues. Face à des malversations financières et réglementaires dûment constatées sur ce créneau, l'ex-gouvernement est monté au créneau, avait envoyé une équipe technique d'inspecteurs, qui a conclu que ?'tout va bien'', et que ces constructeurs étaient injustement ciblés et critiqués par la presse. Ils avaient donc le quitus d'''Eddoula''.

Mais Sellal parti, avec son ministre de l'Industrie, qui n'a pas laissé que de bons souvenirs aux Algériens, voilà que le nouveau gouvernement découvre et rend publique la supercherie. Une supercherie qui coûte au Trésor public un peu plus d'un milliard de dollars. Et pendant que les Algériens espéraient, naïvement, la fin prochaine des longs délais de livraison des voitures, la fin de l'importation de véhicules chers, le gouvernement Tebboune, via son ministre de l'Industrie, annonce qu'il va revoir tout le mécanisme de ces usines CKD et SKD, plus boulimiques de devises que les importations de voitures.

Les Algériens ne finissent pas d'être bernés. Jusqu'à quand ? 2019 ? Pas si sûr. Au delà ? Non, pas vraiment, tant que le système actuel de gestion de la chose publique par les premiers responsables du pays ne revient pas directement à ceux qui en ont les capacités, pas à ceux qui viennent passer leur temps à rendre riches leurs familles et leurs proches, à s'engraisser davantage, à parler en public d'une chose et faire en privé son contraire.

C'est du moins l'image grandeur nature reflétée jusque-là par les différents gouvernements successifs qui ont géré l'avenir de l'Algérie, de son peuple, et donné une si mauvaise image du pays. C'est, surtout, cette image que les Algériens se font de leurs responsables, de ceux qui viennent un jour imposer leurs mauvais choix et leur incompétence au pays et à son peuple et, le lendemain, appeler les Algériens, quand cela va mal, à l'abstinence, au courage, à l'amour de la patrie, à défendre l'emblème national et le pays contre les idées expansionnistes étrangères, contre la crise économique, contre la baisse du prix de pétrole, contre le terrorisme, contre l'impérialisme et même, tiens, Donald Trump. Bref, pour faire passer une mauvaise pilule: cacher aux Algériens une banqueroute totale, et, conséquemment, leur dire de se préparer à des jours difficiles.

Pourquoi donc doivent-ils supporter seuls toutes les erreurs d'un ministre de l'Industrie parti sans rendre de comptes, pourquoi les Algériens doivent-ils supporter les frasques des gouvernements successifs, qui partent, comme çà, sur un simple claquement de doigts, laissant derrière eux une gestion catastrophique des secteurs névralgiques, les caisses vides et des lendemains qui font peur. L'exemple de l'industrie de montage de voitures en Algérie, vantée par le gouvernement sortant, alors que des industriels de l'électroménager et de la téléphonie le font très bien sans le crier sur tous les toits, est ainsi symptomatique de cette incorrigible manie de mener en bateau les Algériens. Vers où ? Les voies du Seigneur sont impénétrables.