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Transhumance estivale

par Mahdi Boukhalfa

Depuis quelques années, l'Algérien rend, régulièrement, visite à ses voisins. Beaucoup plus la Tunisie que le Maroc. Non pas que les Algériens préfèrent plus les Tunisiens à leurs voisins de l'Ouest, mais parce qu'ils peuvent aller en voiture passer quelques semaines de vacances, dans de grands palaces, ne dépensant que la moitié de ce qu'ils peuvent dépenser dans des hôtels ou des pensions de familles « rachitiques » dans leur pays. Quand ils en trouvent. Tous, de retour de Tunisie, ont le visage ébloui, et respirent le repos et disent qu'ils repartiront l'année prochaine. Les Algériens fous de la Tunisie? Non, mais il se trouve que ce pays a, depuis longtemps, fait du Tourisme et de l'hôtellerie, une industrie qui marche, qui rapporte et qui fait travailler les Tunisiens. Le chiffre d'affaires du secteur est en moyenne de plus de 5 milliards de dollars, par an, et les récentes attaques terroristes des 2 dernières années, n'ont pas vraiment écorné la réputation touristique de la petite Tunisie.

Car le pays a investi non pas dans des slogans creux et des complexes touristiques lourds à gérer, onéreux et sans attraits, mais sur des concepts, des idées et l'impérieuse nécessité de tirer le maximum des potentialités touristiques, géographiques, culturelles et humaines locales. Sans démagogie, sans discours creux sans lendemains, de politiques économiques bonnes pour une période limitée aux « trous d'air » des prix du brut. Donc, les Algériens, rebutés par les conditions qui leurs sont offertes dans leur pays pour passer quelques semaines de vacances, pour oublier tous les tracas quotidiens de l'année, à des prix prohibitifs, et sans « les extras », qui peuvent être décryptés comme ces ballades le soir sur les boulevards de front de mer, ces longues veillées voluptueuses, sur des terrasses de café, ou le plus du shopping discount, s'en vont, donc, tous, dans un vaste mouvement de transhumance saisonnière, rendre visite à leurs chers voisins de Tunisie. Beaucoup y vont avec plaisir, d'autres, très peu, par dépit de ne rien trouver de comparable dans leur pays. Dès lors, ce gouvernement devrait revoir les choses, et le nouveau ministre du Tourisme doit se décarcasser pour inverser la tendance, dès cet été. Il est payé, n'est-ce pas, pour que son secteur marche. Donc, il doit faire barrage à cette saignée de devises, pour rester dans la fibre nationaliste, qui s'en va, allègrement, chaque année, grossir les caisses de la Tunisie. Il doit, lui aussi, par patriotisme, par nationalisme, et sûrement pas par souci d'économiser des devises, revendiquer son quota de devises à ne pas dépenser par les voyageurs algériens, mettre en place une sorte de licences ou d'autorisation de sortie de devises, quand il s'agit de la Tunisie, pour protéger l'Economie nationale de la fuite des devises, et lutter contre ce dangereux tourisme international. Pour que les Algériens, qui ont les moyens d'aller se ressourcer, dans un autre pays, se reposer et envier les autres pour avoir accompli ce qu'il y a de plus simple, ou installés à la terrasse d'un café et sirotant un bon « espresso », n'aillent pas raconter toutes les bonnes choses qu'ils ont vues, durant leur voyage. Et, surtout, ne critiquent pas l'état de déliquescence avancée du Tourisme dans leur pays. Car en fait, ce secteur qui fait tant de mal à la fierté nationale d'avoir plus de 1.200 km de côtes inexploitées, englouti des milliards de dinars, chaque année, sans que les Algériens n'en profitent. Il y a bien un ministère, une politique touristique nationale, un programme et des plans d'actions, un budget et des investissements. Le problème, c'est que tout cela n'a servi à rien, sauf à faire fuir les Algériens vers d'autres cieux plus?touristiques.