Grande
pagaille hier à l'aéroport d'Alger. La grève déclenchée par le personnel de
maintenance d'Air Algérie a surpris les voyageurs. Un autre débrayage qui
confirme que la compagnie aérienne nationale est malade, vraiment malade. Que
des vols soient annulés, reprogrammés ou retardés subitement, sans
avertissement, est rarissime dans tout autre pays, sauf le nôtre. Air Algérie
est bien malade, d'une maladie qui semble incurable, au vu du nombre de
directeurs qui sont passés à la tête de cette compagnie aérienne depuis les
cinq dernières années. Qui blâmer? Les travailleurs de
la compagnie qui manifestent bruyamment leur colère, souvent en prenant en
otage les voyageurs pour arracher leurs droits? Ou une
direction qui semble perdue dans le brouillard de sa gestion chaotique?
En fait, le ?'décrochage'' de la compagnie aérienne nationale est le signe évident
et manifeste que cette entreprise publique fonctionne pratiquement sans trains
d'atterrissage et navigue à vue. Dans le cas présent, cette ?'énième'' grève de
travailleurs d'Air Algérie exprime quelque part la profonde fissure entre ses
différents personnels avec leurs revendications sociales et la direction,
tétanisée par l'ampleur de la catastrophe financière qui plombe la compagnie.
Hier, c'était le PNC (personnel naviguant
commercial), l'autre jour, c'était les pilotes de ligne, aujourd'hui, c'est le
personnel de maintenance, celui qui est chargé de gérer les ?'pannes'' et la
sécurité des avions. En fait, Air Algérie n'arrive plus à garder le cap d'un
vol ?'sans problèmes'' depuis des années. Au point que les voyageurs algériens
sont souvent pris au dépourvu, car les grèves dans notre pays sont rarement
annoncées, en particulier dans cette compagnie où les coups de gueule et les
comportements intempestifs ont fini par lasser sa clientèle traditionnelle,
?'les émigrés'', qui préfèrent voyager sous d'autres pavillons, moins enclins à
tolérer des grèves pour ?'tout et rien''. Une situation qui a plongé la
compagnie dans le marasme financier et la banqueroute, n'était-ce le soutien de
l'Etat. Il est clair que les seules victimes du dysfonctionnement d'Air Algérie
sont ses clients, les voyageurs, très souvent oubliés et pas pris en charge, en
particulier ceux qui ont fait un long déplacement, qui sont venus de
l'intérieur du pays. En fait, Air Algérie a-t-elle une réelle existence parmi
les pavillons aériens internationaux ? Elle a cessé d'être une compagnie comme
les autres. Les problèmes de gestion d'une compagnie aérienne de plus de 11.000
travailleurs sont devenus tellement compliqués que cela débouche souvent sur
des situations dramatiques pour des familles abandonnées dans les aéroports du
pays, sans prise en charge, sans soutien ni assistance. Jusqu'à quand les
Algériens, qui dépensent des fortunes pour aller s'oxygéner ailleurs,
seront-ils les victimes du vol aléatoire, incontrôlé et totalement absurde de
leur compagnie aérienne ? Car si les Algériens pensent qu'ils ont des
aéroports, ils ne sont pas sûrs, une fois sur trois, de prendre leur avion à
l'horaire prévu. Au point que souvent, le temps s'étire pour devenir celui d'un
train pour Béchar. Les Algériens ont le droit d'être en colère contre leur
compagnie, car elle n'a jamais, ou rarement, pris le soin de les avertir de la
perturbation des programmes de vols, notamment dans les cas de débrayages. Ce
que ne font jamais les autres compagnies aériennes. Une question de respect et
de prestige. Après donc le vendeur de légumes, l'épicier, le boulanger, le
grossiste, le bureaucrate, le vendeur de jouets d'enfants, l'urne, l'Algérien
poursuit sa lente décadence sociale. Jusqu'où ? Jusqu'à quand ?