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Nostradamus est parmi nous

par Mahdi Boukhalfa

A en croire Louisa Hanoune, la République est en danger. La menace viendrait des entrailles mêmes de l'Etat, directement de l'une des institutions les plus crédibles et représentatives d'un pays: son Parlement. Les propos de la SG du PT en cette phase particulièrement difficile pour le pays et pour les Algériens, qui s'arment de patience, comme toujours, dans les moments de ?'vaches maigres'', sont graves. Graves, oui, mais pour les forces qui s'affrontent pour le pouvoir. Pour le petit peuple, qui se prépare à passer un bon mois de Ramadhan, sans les éternels soucis mercantiles et gastronomiques d'ici bas, ce n'est pas un événement. Depuis 1962, le pays, selon ses leaders, est menacé. Parfois par les sauterelles, les criquets, l'impérialisme, le communisme, l'islamisme, la bombe atomique, nucléaire, la 7e flotte ou le terrorisme. Cette fois-ci, l'alerte vient du Parti des travailleurs, sorti largement perdant des élections législatives 2017. Pour lui, enfin pour sa secrétaire générale, le Parlement qui s'annonce, qui sera dominé par le FLN, est une vraie menace contre le pays et sera le terreau qui servira à fabriquer un putsch contre Bouteflika. Un coup d'Etat, quoi ! ?'Il y a des relents putschistes dans cette Assemblée. J'ai l'impression qu'on est en train de préparer un véritable putsch qui, comme au Brésil, passerait par l'APN'', a-t-elle lancé dans des déclarations de presse. Louisa Hanoune a soit une boule de cristal, et à ce moment elle est plus qu'un responsable d'un parti, une sorte de Nostradamus, soit elle délire et tente de donner un sens politique, une raison, qui tienne la route à la défaite de son parti à ces législatives. Certes, le ministre de la Justice a annoncé des enquêtes sur des cas de fraudes, le Conseil constitutionnel tarde à remettre ses conclusions définitives sur les recours, mais cela justifie-t-il une telle paranoïa à moins de deux semaines du mois de Ramadhan ? Et donc de la fermeture de la saison de la chasse politique pour un long bail, avec l'arrivée de l'été ? Cela ne saurait être expliqué par le seul soudain accès de fièvre patriotique de Louisa Hanoune. Comme dirait l'autre, ?'il y a anguille sous roche''. Car souvent, la SG du PT fait des déclarations où elle dévoile des demi-vérités, sans aller au fond des choses, et lorsqu'elle le fait, c'est déjà du domaine public. Cette fois-ci, non, elle fonce tête baissée et veut décapiter le futur Parlement, en revendiquant une annulation des dernières élections. En fait, avec certains partis algériens, on retombe fatalement dans cette épique fable bien de chez nous, celle ?'du chacal et du raisin''. En fait, les Algériens, ceux qui font eux-mêmes le marché et savent sur le bout des doigts les prix des produits alimentaires, les hausses et comment les expliquer, qui triment et suent chaque jour pour vivre décemment, ne font plus attention à ce type de discours politique. Si Louisa Hanoune a parlé de dissolution du futur Parlement, il y a des chefs de parti qui ont fait une grève de la faim (?) pour protester contre les résultats de ces élections législatives, dévoilant au grand jour leur incapacité à faire de la politique, encore moins à être des meneurs d'hommes et crédibles. Cette façon de se comporter de nos partis à chaque fin de consultation électorale, même si la fraude est devenue un phénomène étudié dans les universités et en sociologie politique, a donc fini par lasser les électeurs, qui seront dans deux ans encore moins nombreux à aller rendre visite aux bureaux de vote. D'autant qu'à ce moment, l'inflation fera en sorte que les prix des transports pour aller voter seront au même niveau que celui de la pomme de terre. Le choix ne s'impose plus, n'est-ce-pas, entre financer, son bien-être ou celui d'un inconnu, même avec toutes les promesses du monde ? Quant à la République, elle survivra aux uns et aux autres.