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Les Algériens sont fatigués

par Mahdi Boukhalfa

C'est la ?'énième» vague d'invasion des rayons cosmiques contre la Terre, et plus particulièrement les foyers algériens. Après les alertes aux radiations stellaires de 2015 et 2016, est venu le tour lundi soir du warning 2017, tout droit venu de la lointaine et riche île de Singapour. Le message était clair: ?'Ce soir 12:30- 3:30, veillez à éteindre le téléphone: TV Singapour a annoncé les nouvelles. Prenez soin de vous. Dites à vos autres chers parents et amis: ce soir à partir de 12 heures 30-03h30, dangereux, de fortes radiations, les rayons cosmiques vont passer près de la Terre''. On dirait un mail des années 3000 après les élections législatives 2017 en Algérie. Le message a été largement relayé sur les réseaux sociaux, et donc est parvenu rapidement par la vélocité de l'Internet, en Algérie. Beaucoup d'Algériens ont donc reçu cette alerte, mais rares sont ceux ou celles qui y ont prêté attention, ou accordé un quelconque crédit. La raison est toute simple: avant cette alerte-invasion de rayons cosmiques, gamma, bêta, infrarouge, il y avait une autre alerte, plus vraie celle-là, qui a neutralisé la première, venue de l'espace. L'annonce par le Conseil constitutionnel des résultats officiels des élections législatives de mai 2017. Ce n'était pas une alerte plus inquiétante qu'une improbable invasion venue du ciel, l'officialisation des résultats de ces législatives, que les partis de l'opposition ont dénoncés, dont le chef d'un parti qui a parlé de bourrage des urnes au profit d'un parti. L'art est difficile, la critique est facile, n'est-ce pas ? En fait, et après l'officialisation des résultats des dernières élections législatives, les Algériens ont tout naturellement retourné à leurs occupations quotidiennes. Et à leurs angoisses quotidiennes, également. Le vote est fini, mais les soucis de tous les jours sont là, bien réels. Les prix des fruits et légumes, sujet le plus emballant et le plus abordé et adoré par les Algériens, sont revenus à des niveaux de baisse record, avant la ?'remontada» qui pointe dans deux semaines, avec l'arrivée du mois de Ramadhan. Le calme ambiant sur le front des prix des denrées alimentaires et d'une relative paix sociale a donné un répit qui a été bien exploité par les candidats et les partis lors de la dernière consultation électorale, qui n'apportera, de l'avis de ceux qui achètent leur sachet de lait à 06h du matin et dix baguettes de pain, pas de nouveau. Alors, faut-il faire comme ces médecins, ces cadres, ces ?'desperados», qui ont quitté le pays pour des cieux plus cléments ? Faut-il les blâmer, ces médecins partis chercher de meilleures conditions de vie et de travail ailleurs, là où ils sont respectés ? Faut-il encore se nourrir d'illusions, de faux patriotisme quand les énergies de ce pays sont mises dans des bouteilles et jetées à l'eau ? En vérité, le phénomène de l'émigration des cadres ou ce que les institutions officielles appellent la fuite des cerveaux n'est ni nouveau ni propre à notre beau pays. Par contre, il y a des facteurs aggravants, comme un accélérateur de particules, qui font que les jeunes et même les ?'seniors» partent en masse, fuient le pays. En plus d'horizons bouchés, il y a ces échéances électorales périodiques, qui reviennent tous les cinq ans, qui font mal au pays, quand, ailleurs, elles sont une fête, un devoir et un droit national qui font émerger des élus connus, qui ont un programme et qui l'appliqueront. Alors, pas la peine d'attendre l'arrivée de rayons cosmiques pour comprendre une réalité pas virtuelle : les Algériens sont fatigués.