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Le langage des urnes

par Mahdi Boukhalfa

Y a pas à dire, les événements de ces derniers jours en France attirent de plus en plus d'Algériens. Eh oui, faut bien le reconnaître, ce qui se passe en France est nettement plus emballant que ces morbides et fantomatiques élections législatives auxquelles nous avons été conviés. Des ?'Mansoutich'' aux 2,1 millions de bulletins nuls, ce n'était pas la joie, n'est-ce pas, d'autant que beaucoup de partis, après l'annonce des résultats, en sont restés tétanisés. Non pas parce qu'ils n'ont pas remporté le nombre de sièges qu'ils étaient en droit de remporter, vu leur ancrage dans la société, mais par le nombre de sièges remportés par des ?'indépendants''.

Le FLN, bien sûr est là, ?'et même si tu ne votes pas, il sera là quand même'', ironisent ceux qui ont les yeux et la tête plongés dans la présidentielle en France, où le jeu se corse avec des attaques à visage découvert des tenants du Lépenisme, c'est-à-dire des racistes de tous bords y compris les adeptes de l'OAS, et tout les xénophobes qui se reconnaissent dans ce parti, que les Français, à 24 heures du vote ce dimanche, commencent à en mesurer la dangerosité pour leur pays. Mais, enfin, nous, ce qui nous intéresse, ce sont ces élections législatives, qui nous annoncent des députés nouveaux, une chambre des représentants du peuple qui ne devront pas penser à eux-mêmes, à leur dechra ou leur tribu, mais au pays. Pourquoi ? Tout simplement parce que durant ces 21 jours qu'aura duré la campagne électorale, ils nous ont bassinés, ainsi que les militants du FLN et du RND et leurs alliés de TAJ et du MPA (parfois on pourrait écrire MCA, c'est plus électoraliste), avec leur ?'voter pour la stabilité du pays, ou pour sa sécurité, ou même pour assurer l'avenir de nos enfants''. Au final, hier à travers des douars et dechras du pays, des ?'élus'' n'ont pas hésité à monter sur un cheval et parcourir leurs djebels, à la rencontre des leurs, fiers d'aller dans la capitale avec l'honneur de défendre la tribu. Tous les slogans ?'venteux'' de la campagne ont disparu, et, aujourd'hui que les jeux sont faits, les Algériens, ceux qui ont voté, les 2,1 millions qui ont mis un bulletin nul, et les plus de 8 millions qui n'ont pas voté, se sont réveillés sur une réalité déjà connue: y a pas eu le jour d'après, rien n'a changé.

C'est comme un jeu renouvelable indéfiniment dans le temps: le FLN et le RND sont toujours là, la main dans la main, entourés des ?'partis-bendirs'', et derrière ce cercle, à la lisière de la jungle politique à l'algérienne, ont été parqués les partis d'opposition. ?'Rien n'a changé, les amis'', avait lancé quelqu'un hier au marché d'un bled algérien, car ces législatives ont fait, dans ce même bled, comme une incursion politique incongrue, jeunes et vieux de ce patelin ayant été dérangés dans leur ambiance festive après l'accession de l'équipe de football locale dans le championnat de l'élite du pays. Hier samedi, tout a été gommé, effacé, plus rien de ces législatives ne subsiste, comme si ces élections étaient vraiment un hôte imposé aux Algériens, une parenthèse de trop dans un quotidien déjà très accablant. Par contre, le duel qui va s'achever ce dimanche en France, est d'une toute autre catégorie, de cette dimension qui vous fait tenir en haleine les poissonniers comme les ?'bookmakers'' qui parient sur le nombre de « harraga » qui réussiront la traversée vers ?'Ettaliane». Tous les Algériens de 7 à 77 ans suivent assidûment cette présidentielle, y a de la bagarre, de la sueur, de l'émotion et cette impossible envie d'y participer, pour faire barrage à toute politique future dans l'Hexagone, qui viendrait à compromettre la survie des ?'harraga'', tous les ?'harraga'', d'Algérie, d'Amérique ou de Tataouine. Pour cela, tous les ?'DZ.0'' d'ici et d'ailleurs voteraient pour battre le racisme ordinaire, même si certains iraient dans l'isoloir avec un mouchoir.