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La quête du temps d'ici et d'ailleurs

par Mahdi Boukhalfa

Ouf ! Ouf ! et Re-ouf ! Marine Le Pen ne sera pas élue présidente des Français ! Tous les sondages et Macron sont unanimes: la candidate du Front national et des racistes, des persécuteurs de harraga maghrébins et africains, les «mangeurs de pain» des Français, ira à la trappe. La fille d'un ancien tortionnaire d'Algériens durant la guerre d'indépendance va y laisser des plumes, et, «cheh», elle ne sera jamais présidente de la France, celle que les Maghrébins et les Africains redoutaient plus que tout d'arriver au pouvoir. Pourquoi? Cette femme exécrable, raciste, xénophobe même avec les Européens, n'a même pas eu la pudeur d'éviter de plagier un discours du «looser» Fillon, et a même déclaré qu'elle l'a fait sciemment, pour s'attirer les bonnes grâces et les bulletins des indécis à droite. C'est comme avait fait en 1961 l'OAS, une organisation terroriste proche des courants lepénistes, même aujourd'hui, en Algérie, en tentant de tout brûler, et ne laisser aux légitimes propriétaires de ce pays que ruine et désolation. Ici, par contre, au bled, notre vote se déroule dans de moindres émotions, dans la discrétion d'un électorat qui s'est soudain émerveillé devant des prix des fruits et légumes qui scintillent de mille et un éclats.

Tous les produits sont en baisse, même la patate qui est à 40 DA/kg, ou la tomate à moins de 60 DA/kg. Ah ! s'il pouvait y avoir des élections dans notre beau pays chaque jour pour profiter de leur «aura» sur les prix des petits pois, cela soulagera le mal de dos des ménagères, obligées de se courber pour déchiffrer les prix de peur d'avoir une attaque en demandant au marchand de légumes le chiffre fatidique. Donc, c'est bien que ces législatives viennent à quelques semaines du début de Ramadhan, comme cela, tout le monde profitera pour faire de larges emplettes et stocker avant le retour de flammes. C'est ainsi, il y a des cycles pour tout dans notre pays: il y a le temps d'aller faire ses emplettes en prévision de Ramadhan, celui d'aller voter pour des gens inconnus, qui ne se montrent que dans les jours de campagne électorale, et qui se sont cachés derrière leurs bureaux tout le temps de leur mandat après avoir été élus. Il y a le temps du vote, ce temps intermédiaire, dans la 5e dimension, qui sépare le temps de choisir son bulletin et celui de s'en aller des bureaux de vote pleins de soutiens de candidats. Il y a aussi le temps angoissant de l'attente des résultats, même si les résultats sont connus d'avance. Pourquoi ? Les urnes ne sont-elles pas en verre? Alors ! Et puis, il y a le temps du Temps, celui que les Algériens passent le reste de l'année à courir derrière une chose et son contraire. Derrière la devise pour s'acheter un médicament introuvable, derrière les fournisseurs de beignets tunisiens pour lubrifier leur estomac en ces temps de disette gastronomique, ou derrière les résultats scolaires, dernière halte sociale d'une pénible année passée à chercher un insaisissable bonheur.

Car après les résultats scolaires, tous les Algériens, sans exception, baissent rideau entre juillet-août. Les plus veinards iront au bled passer les vacances au frais, ceux qui ont un peu d'argent iront en bord de mer, et ceux qui ont beaucoup d'argent iront se faire voir ailleurs par leur progéniture, envoyée en éclaireur pour préparer la grande retraite, les jours de repli. C'est pour ces grandes raisons temporelles que l'élection présidentielle en France est suivie par les Algériens, et c'est également pour les mêmes raisons que nos élections législatives seront boudées par les Algériens. Là-bas, il y a l'euro qui fait courir tout le monde, ici, il y a la monnaie des «zaoualis», qui ne fait pas l'unanimité sur sa bonne santé. C'est la vie !