C'est à n'y
rien comprendre. Tout va de travers et ce n'est guère une vue de l'esprit,
encore moins les dérives d'un esprit manichéen. Que l'on en juge:
selon un responsable syndical (de l'UGTA), et non des moindres, le remède de
cheval qu'il faut préconiser pour vaincre la gangrène avec sa fièvre de la
spéculation dans les fruits et légumes, est tout simplement de rétablir ?'le
système Ofla''. Ofla pour
Office des fruits et légumes algérien. Un office chargé de la commercialisation
des produits agricoles frais notamment. Un système commercial direct du
?'producteur au consommateur» via les surfaces de cet office. C'était dans les
années 1970 où l'Algérie manquait de tout, juste après la mise en place de la
RA (révolution agraire), de la révolution industrielle et la révolution
culturelle. A l'époque, on les appelait les ?'3R''. On sait quel a été leur
sort. Mais ce qui avait fait le plus de mal à l'économie nationale à cette
époque, c'était ce modèle agraire importé des kolkhozes soviétiques et appliqué
à la mentalité algérienne, qui avait fait que des agriculteurs jouaient à
longueur de journée d'interminables parties de dominos dans les anciennes
fermes coloniales devenues des CAPRA (coopératives agricoles de production de la
révolution agraire), et recevaient en fin des mois leurs salaires, bonifiés en
fin d'année par des ?'bénéfices''. C'était cela l'Algérie des années 1970, une
idéologie marxiste surréaliste dépassée et appliquée dans un pays riche de ses
terres agricoles, de son sous-sol minier. Donc, dans ces années-là, il n'y
avait pas de pomme de terre, pas d'ail et d'oignon, de lait, et beaucoup de
produits de première nécessité importés, comme le sucre et la farine, le
concentré de tomate. Mais en 2017, où l'on se remémore avec effroi et dégoût
cette période de longues files d'attente devant les grandes surfaces, les
fameux Aswaks el-fellah et les Galeries algériennes
(GA), pour acheter des produits subventionnés et très réglementés du fait de la
crise et de la rareté de ces produits, comme le savon, l'huile de table ou le
concentré de tomate, il serait pour le moins suicidaire, sinon démentiel de
suggérer le retour à ce système commercial honni par les Algériens. C'est un
très sérieux cadre de l'UGTA, depuis au moins 30 ans, qui a suggéré le retour
vers cette espèce de nihilisme commercial, pour vaincre la spéculation dans le
secteur agricole. Pour ce cadre de l'UGTA, le théorème de la résolution de la
spéculation et la prédation, qui règnent sur le marché national des fruits et
légumes notamment, est simple: revenir au système
kolkhozien ?'du producteur au consommateur'', sans les intermédiaires, qu'il
accuse de menacer la stabilité du pays. Pour ce type de syndicalistes, il faut
donc revenir en arrière pour lutter contre des problèmes de gestion d'un
secteur à la dérive. Pour mieux préserver le pouvoir d'achat des travailleurs,
il faut donc revenir aux vieilles recettes du parti unique, du socialisme et du
volontarisme politique. Et dans la foulée, il faut rétablir les Aswaks el-fellah, les nouvelles Galeries algériennes,
collectiviser les fermes agricoles de nouveau, revenir en fait au système des
CAPRA, de la COFEL, des villages socialistes et, pendant qu'on y est, obliger
les Algériens à aller de nouveau faire la chaîne pour acheter un kg de patates,
un litre d'huile ou du savon parfumé. Quarante ans après la fin de la RA, des Aswaks el-fellah, des demandes manuscrites d'achat d'un
réfrigérateur aux Galeries algériennes, d'une voiture à la Sonacome
ou d'une demande d'autorisation de sortie du territoire à la préfecture,
quarante ans donc après la fin de cette période noire pour les Algériens, un
cadre syndical veut les y replonger. Triste de penser qu'il y a un tel vide
sidéral dans les sphères syndicales du pays. Une proposition faite, de
surcroît, un 1er mai 2017.