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L' «underground»

par Mahdi Boukhalfa

Maintenant, la coupe est pleine. L'aliment du pauvre, la pomme de terre est inaccessible pour les petites bourses. La tomate, qui agrémentait le plat du pauvre, est également hors de prix. La sardine, naguère aliment de refuge et assurait la dose quotidienne de protéines, a depuis plusieurs années regagné le large. De l'orange, il ne reste que son goût, amer. Pas celui de la bigarade, non, l'orange, tout simplement, qu'elle soit la navel, la washington, la valencia, la portugaise, la maltaise. «L'api», elle, bien de chez nous, vend également chèrement sa peau. Et, au final, le couffin est bien léger en ce mois de mars 2017, annonciateur de l'arrivée du printemps, des abeilles butineuses, pardon ! Des spéculateurs «BCBG», des fruits et légumes de saison. Hélas ! Cette année, la bonne vieille ménagère ne va pas attendre l'arrivée de la fève et des petits pois pour se préparer un bon couscous, ou se mijoter des plats de saison. Les temps sont durs, c'est l'austérité, et les porte-monnaies se délient difficilement, quand sur les marchés les prix des produits de «monsieur tout le monde», sont ceux de «Flen et si Felten». C'est-à-dire des prix que seuls les fortunés peuvent se permettre, ce qui est de nature, évidemment, à alimenter les discussions au coin des cafés ou dans les chaumières sur les raisons qui ont fait qu' ?'Eddoula'' abandonne les petites gens en ces temps de pré-campagne électorale. Est-ce si difficile de s'occuper à réglementer les prix des fruits et légumes ? Est-ce si compliqué de mettre en place une mercuriale souple qui protège le pouvoir d'achat des bas salaires, des retraités, des Algériens de tout bord ? Non, bien sûr. A l'évidence, «Eddoula» est absente, pour ne pas dire qu'elle a été battue par les spéculateurs, dans un match à l'issue incertaine sur un terrain abandonné, à la lisière de ce qui est permis et de l'interdit. C'est clair, le combat est perdu d'avance, et la situation actuelle sur le marché des services, des biens de consommation, est hors de contrôle de ?'Eddoula'', qui ne cesse de répéter qu'elle protégera le pouvoir d'achat des bas salaires, des travailleurs, et que jamais les prix des produits administrés, comme la semoule ou le sucre, ne seront augmentés. C'est bien, mais le fait est que les producteurs de semoule, de dérivés de céréales et de sucre, sont les «gentils», les «méchants» sont ailleurs, tapis dans les circuits de distribution, dans les marchés de gros, de produits importés ou agricoles. C'est dans ces parages que vit et prospère la prédation, où naissent les hausses des prix, les grosses marges de bénéfices. Et c'est à partir de ces contrées bassement mercantiles que naissent les vagues de hausses de prix, de la pomme de terre, de la tomate ou de la banane. En un mot, de l' ?'underground'', les bas fond de la sphère commerciale, qui rythme la vie économique du pays. Eddoula battue à plate couture. Au point que, tiens, une voiture achetée au souk, vaut plus cher aujourd'hui que celle sortie de l'usine d'Oued Tlétat, même année, même cylindrée, même modèle.

C'est à n'y rien comprendre, hein ? C'est la triste vérité de la situation globale du commerce dans notre pays. Ne parlons pas, bien sûr, du marché de l'automobile, sinon c'est la «camisole de force» qui nous attend. Alors, chantons en choeur, «Il est où le ministère du Commerce ? Il est où ? Il est où le ministère du Commerce? Il est où? »