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L'un n'est pas l'autre

par Moncef Wafi

Quelle différence peut-il avoir entre Benzema et Fillon ? Les deux sont Français, du moins sur le papier. Les deux sont médiatiquement connus. L'un a été mis en examen. L'autre a annoncé qu'il le sera à la mi-mars. Le parallèle s'arrête là. L'un est joueur de football, dans l'un des plus grands clubs au monde où être le fils de ne suffit pas à jouer, comme c'est le cas chez nous. L'autre est un homme politique qui a occupé plusieurs postes de responsabilité, au sein de l'Etat français. L'un est d'origine algérienne, kabyle.

L'autre est estampillé gaulois, certifié iso. Si Benzema a été mis en examen pour un prétendu chantage à la sextape, Fillon lui, devra passer devant le juge pour répondre des postes occupés par son épouse Penelope, comme son assistante parlementaire et de son ancien suppléant, Marc Joulaud, à l'Assemblée nationale. Jusque-là, on est, sagement, dans l'énumération des faits, dans le constat pur et dur. Pour la justice, les deux sont soupçonnés de délits et plus si affinités. Mais dans la logique française, l'un est plus coupable que l'autre. Trouvez qui et vous gagnerez un voyage gratuit à Disneyland. L'un a été, simplement, rayé de la liste des gens bien et l'autre continue à faire des vagues, intouchable parce que bon teint, bon dieu. Benzema a payé pour ses origines, son nom, sa religion supposée et son faciès grillé au soleil, avant même que la justice ne statue sur son cas. On lui a refusé l'Euro, alors qu'il figure parmi les meilleurs avants-centres de la planète foot. Fillon, lui, est Français. Même s'il est mouillé jusqu'au cou dans de sordides affaires de gros sous, il maintient sa candidature à la course à l'Elysée. Aucune voix ne s'est élevée pour dire que le bonhomme sera vite considéré comme un numéro d'écrou, personne ne s'est prononcé sur sa radiation de la liste finale pour la présidence. Il s'appelle François, pas Karim. La France d'aujourd'hui, vue sous le prisme de la peau donne ça. Un futur repris de justice candidat à la présidence parce que? et un joueur de foot honni, vilipendé et condamné à ne pas représenter la France parce que? Dans le pays des droits de l'Homme, les trois points ont valeur de sentence et le teint de preuve de culpabilité, à la grande joie de tous les Le Pen en herbe. Un ami français, écolo dans l'âme, interrogé sur cette présidentielle, a eu toutes les peines du monde à la définir avec un candidat parachuté de nulle part, un peu comme chez nous. Mais de chez nous, on sent le vent tourner et l'odeur fétide de l'extrême droite, nous étouffer bientôt.