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La lente agonie d'un idéal entêté

par Salim Metref

L'idéal de novembre 1954 s'est-il donc à ce point délité ? Et avons-nous tout renié au point de tout permettre ?

La scène politico-médiatique algérienne s'emballe ces jours-ci et nous restitue ce dont nous avons été capables de faire et ce dont nous sommes devenus. Un spectacle tragico-comique qui révèle une république sans défense livrée aux articulations perverses de la mondialisation notamment celles des multinationales capables de tout corrompre et même de faire et de défaire les régimes en place. L'Algérie a aujourd'hui sans doute plus besoin de juges Falcone (Giovanni Salvatore Augusto et non Pierre-Joseph) et de généraux Dalla Chiesa que de toute autre chose. Le grand déballage jurico-médiatique qui se déclame devant nos yeux ébahis et qui nous coupe le souffle pourrait devenir le canal par lequel s'opérera cette cure de jouvence tant attendue, ce grand déballage et cette grande lessive qui redonneront à la politique ses lettres de noblesse et toute sa crédibilité.

Le 1er mai 1993, un homme autodidacte, connu pour ses origines modestes et son intégrité a commis un geste d'une exceptionnelle gravité en se donnant la mort en se tirant une balle dans la tête le long du canal de la Nièvre en France. L'homme n'accepta jamais que son honnêteté soit mise en doute à l'occasion d'un prêt contracté pour l'achat d'un logement dont il défendit avec ardeur la régularité.

Pierre Bérégovoy était de ces justes dont les noms brillent encore et qui ne renièrent jamais leurs origines, œuvrèrent sans relâche au bien-être des plus humbles et des plus modestes et redonnèrent à la politique son rôle d'outil incontournable de la transformation et du développement.

Mais une question se pose alors à nous avec acuité. Dans quelle république vivons-nous ? Au point de voir des personnes importantes citées dans des procès en cours ou accusées, à tort peut-être, par d'autres des pires délits sans que cela n'émeuve personne et sans que rien ne se produise.

Ailleurs sous d'autres cieux, des responsables politiques de premier plan, intègres et d'une toute autre envergure, diplômés des plus grandes écoles de droit et d'économie dans le monde, auraient accompli le geste le plus évident et le plus normal qui soit et qui constitue le Smig de l'honneur et de la bonne gouvernance, présenté illico presto leurs démissions pour être libres et pouvoir, en tant que simples citoyens, se défendre.

Il est vrai qu'il y a le principe absolu de la présomptiond'innocence (article 11 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme de 1948), la diffamation qui constitue un délit, l'obligation du respect de la vie privée d'autrui et chez nous en plus la rumeur et les règlements de compte. Mais enfin il y a une question évidente qu'il faut peut-être se poser. Qu'allons-nous léguer aux générations futures et de quel modèle voulons-nous qu'elles s'inspirent plus tard? Voulons-nous que le crime impuni devienne la norme ou autre chose ? La question est d'une brûlante actualité tant l'agonie de l'idéal de 1954 est lente et certaine. Mais son souffle est toujours là et continue de peser. Oui ce pays et plus que jamais a besoin de juges Falcone et de généraux Dalla Chiesa !