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Le syndrome américain

par Moncef Wafi

Mais pourquoi est-il venu ? Que cherche-t-il au juste ? Qui veut-il voir et surtout que veut-il faire ? Que cache-t-il dans sa poche et quelles sont ses arrière-pensées ? Vient-il en ami ? Si c'est oui alors il est l'ami de qui ? Et s'il est l'ami de quelqu'un en particulier, il est forcément l'ennemi des adversaires de son ami. Pourquoi avoir choisi ce moment précis alors que le pays dort et que des candidats parlent en son nom ? Acte délibéré ou hasard du calendrier, difficile de croire que la visite de John Kerry à Alger n'a aucune portée politique. Même si Washington s'en défend, le timing de la présence du secrétaire d'Etat américain, l'équivalent du ministre des Affaires étrangères pour le reste du monde, ne peut que susciter commentaires et points d'interrogations. La nature même de l'hôte de l'Algérie ne peut laisser personne indifférent puisque les Etats-Unis d'Amérique ont leur mot à dire concernant notre cuisine interne, n'en déplaise aux patriotes de dernière minute.

Et même si Kerry n'a rien prévu de partisan dans son escale algéroise, le fait qu'il débarque à ce moment sur le tarmac de Houari-Boumediene peut suffire à cautionner un candidat au détriment des autres. Cette intrusion «maladroite» ne peut occulter l'intérêt tout stratégique que porte sur nos épaules les grandes puissances militaro-économiques qui voient en l'Algérie un pion important sur l'échiquier régional. Parce que, et malgré notre nombrilisme maladif et notre égocentrisme naïf, on n'est en fin de compte qu'un pion qu'on déplace sur la carte géostratégique du nouvel ordre mondial qui commence à se dessiner sur la peau des Arabes. Pour ceux qui tirent les ficelles, gouvernent l'argent et le pouvoir, les pays du tiers-monde n'ont d'intérêts que par ce qu'ils ont dans leur ventre. Pétrole et gaz sont pour eux les seuls critères d'éligibilité à leur monde et une Algérie affaiblie, cernée de toutes parts par des mâchoires prêtes à nous tailler en pièces, reste une parfaite proie à ces prédateurs. Que Kerry débarque chez nous, aujourd'hui ou demain, c'est hier qu'il fallait s'inquiéter quand le pays a été cédé aux industries pétrochimiques. La visite de l'Américain n'est qu'anecdotique dans un contexte qui en regorge. Un fait de match, comme dirait un commentateur sportif qui focalise une attention phagocytée par des détails et des à-côtés insignifiants.

L'essentiel est de deviner les nouveaux compromis consentis pour rester ou devenir président, car il serait malvenu de croire en une indépendance totale et sans partage d'un pays incapable de s'assurer une indépendance alimentaire. Un pays qui est obligé de tout importer sauf les compétences et la bonne gouvernance. John Kerry n'est pas la seule menace qui pèse sur l'Algérie et les ennemis intérieurs sont bien plus nombreux et beaucoup plus dangereux sur la stabilité d'un pays qui ne cesse de vaciller. Kerry repartira d'où il est venu, dans son portefeuille le nom de notre prochain président et dans son attaché-case des promesses, des contrats et surtout, surtout, des concessions. God save us !