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Septennat : une variante «scientifique» des mandats à vie

par Kamel Daoud

C'est un journal confrère qui a donné l'information en premier : la prochaine Constitution, voulue, désirée, épousée déjà par Bouteflika prévoit la suppression du Sénat et, surtout, une limitation des mandats de Présidence à deux. Où est l'arnaque ? Dans le temps : il s'agira de deux septennats. Deux énormes sept ans fois deux donc quatorze ans de règne pour chaque homme amené dans un avion, un sachet, une voiture ou sorti d'une boîte de consensus. Et il paraît que c'est sérieux et donc pas une plaisanterie. La formule des deux septennats serait donc une sorte de compromis entre l'impératif de limiter les mandats (Bouteflika ayant fait sauter cette clause pour s'offrir le 3ème règne de sa vie) et celui d'assurer la stabilité et la continuité du régime. Quatorze ans donc pour chaque Président et nous entrons dans le club, très très restreint, des pays du genre : le dernier connu étant la Syrie de Bachar El Assad où, là aussi, la Constitution avait été violée et amendée en une nuit.

Quand commence-t-on le comptage ? A partir de 1999 ? Non. Donc à partir de 2014. Ce qui donnera, par équation biologique, un mandat à vie pour Bouteflika et un mandat sans fin pour le prochain. D'ici dix-huit ans, on parlera d'autre chose sur la terre et la sonde Curiosity aura découvert la vie sur Mars et le monde aura tellement changé qu'on sera gouverné par les tablettes tactiles et plus par des dentiers. Le but du Pouvoir chez nous, a toujours été de tuer le temps, d'en perdre, d'en gagner et ainsi de suite. La formule est donc un savant dosage entre dictature discrète, verrouillage, alternance, démocratie spécifique et fourberie constitutionnelle. Tout le monde sera content, personne ne sera heureux.

La prochaine constitution va donc assurer la stabilité de l'architecture générale et éviter ces tensions intestines qui ont miné le 3ème mandat de Bouteflika et son Royaume. Et cela fait peur : imaginez un Ouyahia coopté pour quatorze ans de suite. Un Belkhadem assis sur nos têtes, et assis dans son turban, pendant deux fois sept ans avec le même burnous et la même barbe iranienne.

Il aura fallu sept ans de guerre, de 54 à 62 pour se libérer des colons. Il en faudra le double donc pour se libérer d'un seul Président imposé. Dure guerre à venir. Les temps sont changés en pierres lourdes. Les urnes sont des ralentisseurs. L'avenir est un nœud coulant.