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Et un ticket, un, pour le paradis

par Moncef Wafi

Un milliard d'euros. Pas un dourou de plus ni de moins, c'est promis, juré. Et puis c'est quoi un milliard de malheureux euros pour la grandeur et la notoriété de tout un peuple. Hein ! Je vous le pose en mille. Si vous n'êtes pas d'accord, c'est que vous êtes peut-être de ceux qui mangent le mois. Si vous dites que c'est du gaspillage, c'est que vous avez une autre chapelle où prier. Si vous dites que c'est inutile que la colère de Dieu s'abat sur vous. Un milliard d'euros pour une mosquée. Et pas n'importe quelle mosquée. Et puis, on ne chipote pas sur le prix du ticket d'entrée au paradis. Quand on peut payer, il faut pas jouer aux pingres. Il faut être grand seigneur et en mettre plein les yeux aux voisins qui nous épient du haut des frontières. Ils vont mourir noyés dans leur jalousie quand ils vont voir ce minaret chatouiller les nuages et l'appel à la prière qui sera entendu jusqu'à Marseille. C'est moi qui vous le dis, parole de Chinois. L'homme a voulu laisser une trace de son passage dans ce bas monde, ce n'est que justice, il a tant fait à ce pays qu'on le célèbre chaque jour avec des feux de joie allumés un peu partout dans l'Algérie d'en bas. Dans l'arrière-pays où l'indépendance n'a pas encore été célébrée. Et pour les mauvaises langues qui chuchotent que c'est pour son ego démesuré, je répondrai simplement qu'il n'était même pas présent à la cérémonie de lancement des travaux. Et la mosquée ne porte même pas son nom. Voilà qui est dit sauf si quelque part on prépare déjà une débaptisation. Et là, je vous laisse à votre conscience. C'est vrai, me diriez-vous, que ce milliard d'euros aurait pu servir ailleurs. Oui, mais où ? Dites-moi seulement où et je vous donnerai raison. Où vous mettez le doigt, vous touchez la corruption. Elle est présente partout, sur le bitume, dans l'air et le sous-sol. Donc investir un peu d'argent dans le divin, peut-être que les gens réfléchiront par deux fois avant de goûter au miel défendu. Et en plus, l'Algérie est un pays musulman, c'est pas moi qui le dis, c'est la Constitution. Et puis, y'a qu'à voir les mosquées remplies le jour du Seigneur pour avoir une idée de la dévotion toute caricaturale de l'Algérien qui, une fois son devoir religieux accompli les larmes aux yeux, n'hésite pas à allumer un brasier autour de lui. En chaque Algérien, sommeille un Néron en puissance. C'est vous dire qu'il faudra plus que la plus grande mosquée d'Afrique et le plus grand minaret du monde pour laver nos pêchés. Et cette mosquée sera là pour l'éternité, un legs pour les prochaines générations à défaut de pétrole ou de gaz. Ils pourront toujours lever la tête au ciel et maudire leurs ancêtres qui ne leur ont laissé qu'un pays vide au ventre creux et une échelle vers Dieu.