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La nouvelle méthode pour sauver le parti unique

par Kamel Daoud

Comment sauver un parti unique, utile, fidèle, obéissant et capable de contrôler un pays et un peuple ? La question s'est posée, il y a des années, pour quelques régimes arabes. La réponse sera donc intelligente et graduelle. D'abord, il faut diviser le parti unique en deux ou trois. Cela donne l'avantage d'avoir un seul appareil, mais avec un parti unique à trois. Cela peut s'appeler coalition ou alliance par exemple. On y associe des islamistes de service avec deux autres familles proches du noyau du régime. En règle générale, ces deux familles sont celle qui contrôle le milieu rural et celle qui contrôle les réseaux urbains et les administrations. Du coup, le régime a la totalité du pays sous le contrôle d'un seul parti composé de plusieurs faux partis pluralistes. Et pour faire bonne mesure, on y ajoute quelques partis opposants ghettoïsés.

Techniquement, la méthode a assuré la survie du Grand Parti pendant vingt ans. Sauf que maintenant, il y a le printemps «arabe» et il faut quand même trouver autre chose pour sauver le parti unique. Le sauver sans provoquer des réactions internationales vives, sans fraudes frontales et directes et sans scandales locaux. Comment faire ? D'abord prendre le parti unique des trois faux partis pluriels. Encourager des dissidences de militants contrôlables, fichés et bien administrés. Leur adjoindre un personnel para-politique fidèle lui aussi, issu de l'Administration et allaité à la rente. Ces dissidents créent des partis politiques neufs avec des slogans «in». Cela donne l'illusion que le régime tolère de nouveaux partis et accepte une transition démocratique. En réalité, il s'agit de ses « hommes» à lui et des partis nés de son ventre.

C'est ce qui fera illusion lors des élections : cela va donner l'impression que les partis du régime ont perdu des sièges et que l'assemblée est plus pluraliste. En réalité, c'est une illusion d'optique : dès les élections closes, ces «nouveaux faux partis» vont créer des coalitions et des alliances et le parti unique va se reformer, comme dans le film Terminator 2 deux lorsque le robot tombe en morceaux puis se ramasse.

Aujourd'hui en Algérie, on a de la peine à ne pas rire quand on lit les noms des fondateurs de quelques «nouveaux» partis. On les connaît ; on connaît leur salaire, leurs «familles», qui les allaitent, qui ils sont, de quels scandales ils sont les auteurs impunis et pourtant ils sont là. A recomposer deux ou trois mots dans tous les sens, comme un rébus : jeunesse, démocratie, renouveau, front et national. Cela fait une équation combinatoire de 25. Presque le nombre des partis en instance d'agrément. On n'a même pas besoin de noms et de personnage pour cette chronique. On n'est que trente-six millions et tout le monde connaît tout le monde. C'est vous dire que dans le pays, il y a deux familles politiques seulement. Ceux qui la payent comme Le responsable de la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs Abbès Hadj Aïssa et Bouamer Mohamed, vice-président du bureau local de la CNDDC qui risquent une année de prison ferme pour avoir pris part à une manifestation pacifique, en août 2011, à Laghouat. Et il y a ceux qui sont payés pour la jouer en doublure.