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Copé au chevet de l'Algérie

par Moncef Wafi

Après Chevènement, Raffarin, Lelouche, Juppé, c'est au tour de Copé, la tête  pensante de l'UMP, le parti reflet du FN historique, de venir nous dire ce que la France pense de nous. Invité par un ministre de la République, il a atterri à Alger pour donner une conférence sur la France et les valeurs de la République face à la mondialisation. Tout un programme qu'il doit expliquer à des décideurs peu attentifs à ce qui se passe autour d'eux. Copé doit également chercher à comprendre l'Algérie d'aujourd'hui : c'est lui qui le dit, en attendant son vol pour Paris. Une nouvelle qui ne peut que nous réjouir puisque le patron d'un parti néofasciste va essayer de nous renvoyer notre image, disséquant notre Moi profond, nous mettant en face de nos peurs refoulées en analysant l'Algérie des crises de logement, des immolations de désespoir et d'un bazar à ciel ouvert.

 Copé, en fin psychanalyste qu'il est, puisqu'il affirme préparer le lit de Sarkozy pour un deuxième quinquennat, alors que son ambition présidentielle le précède d'un avion, va recevoir l'Algérie dans son cabinet personnel, lui demander de s'étendre sur le divan, de fermer les yeux et de dire. L'Algérie, en bon client tiers-mondiste, va demander le prix d'une séance, ce à quoi répondra Copé par un sourire énigmatique et un petit signe de la tête pour dire presque rien. Un marché par-ci, un contrat par-là, quelques ristournes sur le prix des hydrocarbures en guise de pourboires.

 L'Algérie acquiesce, se frottant déjà les mains, en pensant avoir fait une bonne affaire. Copé s'assit sur un fauteuil en face et écouta, en même temps que tous les services secrets du monde. L'Algérie commença par le début, c'est-à-dire avec l'acte de naissance de l'Algérie des livres d'histoire, lorsque l'éventail du Bey d'Alger rencontra la face cachée de l'impérialisme français. Copé eut un recul d'instinct, s'attendant à encaisser le coup de cet éventail qui changea le cours de l'histoire de la région.

 Puis, il eut un deuxième sourire de la journée, pensant que l'ambassadeur français devait être sanctifié pour avoir sacrifié sa tronche de diplomate à la cause de l'empire. L'Algérie continua à prospecter au fond de ses entrailles, remuant la terre des ancêtres, racontant, au détail près, les différentes révolutions armées qui se sont succédé pour chasser le roumi du pays.

 Puis, il y eut un long silence de près de cinquante ans, où l'Algérie, affalée sur le divan, n'avait plus rien à raconter avant de voir les événements s'affoler. La prise de conscience politique, les tiraillements internes entre les tenants d'un changement en tendant la main à la France et ceux qui préféraient plutôt un coup de pied au derrière de la République. Ensuite, l'Algérie se releva de son divan et imita le bruit d'une balle. Pan ! Copé se réfugia derrière la table, pensant à une prise d'otage. La guerre de libération, la torture, Mitterrand ministre, tout y passa dans une voix entrecoupée de sanglots. L'Algérie revivait son indépendance. Des larmes de joie, puis de peine en réveillant les vieilles blessures.

 L'Algérie avait son ?dipe, noyé dans le sang des pères fondateurs assassinés d'une balle dans le dos. La séance dura dans le temps et Copé jetait des coups d'œil anxieux sur sa montre de peur de rater son avenir. L'Algérie parla ensuite de ses présidents, de leurs choix et de ses enfants au fond de la Méditerranée. Elle parla des années de cimetière et du dos tourné de la France, de sa politique ségrégationniste à l'égard des peaux basanées. Copé l'interrompit, lui disant que l'heure est terminée et que si l'Algérie voulait encore parler, on lui enverrait un autre médecin, la malle pleine de documents à signer.