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L'argent et les fréquentations

par Oualid Ammar

Trente-sept rouleaux de papier fiduciaire prêts à être imprimés en billets de 1 000 dinars sont encore dans la nature, nous apprend une source très informée. Au départ, ils étaient 44 rouleaux. Ils avaient été dérobés à Marseille le 30 novembre 2006. Cette précieuse cargaison venait d'un papetier bavarois (Allemagne) auprès duquel la Banque d'Algérie avait passé commande. La trace de ce vol inédit a été retrouvée en récupérant des faux billets, successivement en septembre 2008 à Marseille, janvier 2009 près de Naples, à Annaba et, enfin, peut-être, dans la région de Sidi Bel-Abbès.

 Indépendamment des mesures qu'ont dû prendre les autorités concernées pour contrer les contrefacteurs, ce rappel factuel est nécessaire pour comprendre l'agitation de certains milieux d'affaires algérois, ces temps derniers. Ceux qui détiennent de très grosses sommes en cash veulent s'en défaire à tout prix, au sens propre du mot. Ils font main basse sur des villas, des appartements ou des véhicules de luxe pour peu qu'ils puissent écouler leur argent liquide, en vraies ou fausses coupures de 1 000 dinars. Pour les vendeurs, c'est un jeu de roulette. Pour les acheteurs, l'essentiel est d'avoir réussi leur blanchiment. Les deux doivent avoir un point commun universel, plus universel que les droits de l'homme et du citoyen: n'avoir pas sué pour gagner cet argent en fréquentant des gens pas toujours recommandables.

 Une agitation d'un autre genre est perceptible dans des milieux politiques et journalistiques. D'oreille à oreille, on se murmure : étais-tu invité, de temps en temps, par l'ambassade américaine à Alger ? Les câbles diplomatiques distillés par « WikiLeaks » agissent comme des bombes à fragmentation. Ils sont en train de semer la zizanie, la crainte, la curiosité, l'irritation, la colère? et l'Algérie, épargnée relativement par la crise financière mondiale, n'est pas épargnée par le souffle de ces cyber-bombinettes.

 Les descendants des cow-boys ont prêté leurs oreilles aux propos de politiciens autochtones qui ont balancé des noms de présumés corrompus! Un chef « démocrate » et un chef « islamiste » fréquentant l'ambassade américaine à Alger sont cités nommément par les « journaux traitant » en exclusivité de ces câbles; lesquels journaux ont biffé plusieurs autres noms qui n'étaient peut-être pas des personnages publics comme les deux hommes politiques. Mais, ils sont biffés.

 Bien évidemment, toutes les ambassades dans le monde, algérienne incluse, reçoivent des autochtones. Cela fait partie de leur travail de relations publiques. Dans ce feuilleton « WikiLeaks » où sont plus ou moins révélés les contenus des échanges que suscitent ces fréquentations « diplomatiques », un bilan d'étape s'impose : ces « révélations » font paniquer quelques milieux locaux qui ne souhaitent pas que leurs identités soient révélées. Ceux qui balancent, balancent dans l'anonymat ? du moins le croient-ils jusqu'à présent ? mais ne veulent pas être balancés !! C'est qu'au pays du hot-dog et de Mickey, réputé être surtout le must du must du renseignement et du secret, on se fout de la protection des « sources locales ». Petite moralité : faîtes attention à vos fréquentations.