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Après le 3ème mandat, les cheveux !

par Kamel Daoud

Effet pervers et rétroactif des dernières présidentielles algériennes: elles n'ont pas eu lieu. Les Algériens, peuple orwellien par défaut, ont mémoire de deux élections seulement: celle de Zeroual et celle de Bouteflika 99, fraîchement libéré du désert de son épreuve. Depuis, plus rien de consistant qui puisse amarrer la mémoire au calendrier. On se souvient vaguement que Bouteflika voulait quelque chose qu'il avait déjà et que quelques autres figurants en voulaient un morceau. Du dernier rendez-vous électoral, il ne reste rien de la révolution émotionnelle de Hanoun, ni des indignations unipersonnelles des autres candidats dont on confond déjà les identités (Qui est Moussa Rebaïne ?).

 Le 3ème mandat avait plus de sens avant, qu'après. Il agitait plus le régime avant la révision autobiographique de la Constitution qu'après le décompte des voix. Le Bouteflikisme était plus féroce et plus entreprenant avant le vote qu'après la victoire. Le Président de sa propre république a parlé à son peuple 21 jours avant la consultation et à peine un quart d'heure après sa victoire sur les siens. Depuis, chacun s'occupe de ses affaires: lui des affaires courantes de son destin, et nous de la reproduction.

 Souvenez-vous: la bande-annonce du 3ème mandat promettait l'effacement de dettes pour les fellahs, une nouvelle liste de walis, un changement de gouvernement, une augmentation du salaire minimum, un code communal imminent, une implication de la presse dans la surveillance de la chose publique, un rajeunissement du corps diplomatique, une réforme des services de sécurité, un nouveau parti pour le «Frère de Lui», un lifting majeur de l'ANP et un vrai avenir pour Belkhadem. Sur la liste, on a eu le départ de HHC, celui de Soltani, la réduction de la surface du bureau d'Ouyahia et la nomination d'un Général femme. Pour le reste, rien, sauf l'étendue sablonneuse d'un pays photocopié indéfiniment. On a été floué: Lui, il a eu ce qu'il voulait, nous pas. C'est le rêve des nouveaux régimes tiers-mondistes: autrefois on voulait des peuples serviles, aujourd'hui, le but c'est de ne pas avoir de peuples mais seulement des «proches» et des parents.

 Le but du 3ème mandat était donc le 3ème mandat. Le verdict du peuple est sans équivoque: Bouteflika est mort depuis longtemps, mais il ne le sait pas, comme dans le film «Sixième sens». Il ne pourra rien changer, même s'il en a envie comme il le répète souvent, avec sa légendaire colère sans armes ni cartouches. Il n'est pas le Père du peuple, mais l'enfant d'un régime.